Le chef d'État français est officiellement parti se reposer dans le sud de la France avec sa femme mercredi. Mais pas avant d'avoir annoncé une flopée de mesures musclées en matière de sécurité, liant immigration et criminalité. Une situation qui suscite l'indignation de l'opposition, relate notre correspondant.

Le président Sarkozy a annoncé avec fracas avant de partir en vacances qu'il déclarait la guerre à la délinquance, quitte à chambouler au passage quelques éléments fondateurs de la République.

En réaction aux affrontements survenus dans un quartier trouble de Grenoble, au cours desquels plusieurs policiers ont reçu des menaces de mort, le chef d'État a annoncé la semaine dernière une série de mesures qui continuent de faire couler de l'encre même en son absence.

Le politicien a notamment exprimé le voeu que les personnes «d'origine étrangère» qui tentent de porter atteinte à la vie de tout dépositaire de l'autorité publique (policiers, gendarmes, etc.) se voient retirer leur nationalité française.

«Nous subissons les conséquences de 50 années d'immigration insuffisamment régulée qui ont abouti à un échec de l'intégration. Nous sommes si fiers de notre système d'intégration, peut-être faut-il se réveiller pour voir ce qu'il a produit», a déclaré le président dans son discours.

Le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, est revenu à la charge au début de la semaine en soulignant que les personnes qui pratiquent l'excision, la polygamie ou la traite d'êtres humains devraient aussi être punies de cette manière.

Discrimination

L'ex-ministre de la Justice Robert Badinter est monté au créneau pour dénoncer la mesure annoncée par le président. Elle constitue, selon lui, une atteinte au principe d'égalité des citoyens inscrit dans la Constitution.

«On veut faire des discriminations contre les Français au regard de mêmes crimes, de mêmes infractions, selon l'origine de la personne, selon le mode d'acquisition de la nationalité française», a-t-il déploré.

D'autres juristes ont relevé que des millions de personnes en France peuvent être considérées comme «d'origine étrangère» en raison de leur histoire familiale, y compris Nicolas Sarkozy lui-même, dont le père est d'origine hongroise.

Réunion controversée

La sortie du président à Grenoble est survenue quelques jours après la tenue à l'Élysée d'une réunion controversée qui visait à faire le point sur la situation des Roms et des gens du voyage. Le ministre Hortefeux a annoncé à cette occasion qu'il avait été décidé de démanteler la moitié des campements illégaux dans le pays d'ici trois mois.

La rencontre, qui se voulait une réaction à des manifestations survenues dans le Loir-et-Cher après qu'un jeune d'origine tsigane eut été abattu par des policiers, a été dénoncée par les associations tsiganes. Elles condamnent les «amalgames» du président entre un incident donné et l'ensemble d'une communauté.

Dans la même veine, la Ligue des droits de l'homme a accusé le gouvernement d'utiliser «les refrains des années 30» pour faire avancer ses intérêts politiques.

«Faire un discours sur la délinquance uniquement centré sur une question de retrait de nationalité, sur l'immigration, après avoir tenu une réunion sur les gens du voyage et les Roms, c'est l'assimilation des étrangers et des personnes d'origine étrangère à la délinquance, à ceux qui mangent le pain des Français», a déploré le président de l'organisation, Michel Tubiana.

La première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, a aussi dénoncé les annonces du président, «une dérive antirépublicaine qui abîme la France et ses valeurs par des lois d'exception aussi iniques que vraisemblablement anticonstitutionnelles».

«La dureté des mots et la dérive des propositions n'ont d'égal que l'ampleur des échecs de Nicolas Sarkozy en matière économique et sociale comme en matière de sécurité», a dénoncé la politicienne.