Barack Obama n'a pas «adopté» son prénom africain «pour s'identifier à l'Amérique». Il l'a «peut-être» choisi pour revendiquer l'héritage de son père kényan, «qui est un radical».

Influencé par le «nationalisme radical noir» et la «théologie de libération marxiste noire», le 44e président américain voit dans sa réforme du système de santé le début des «réparations» pour l'esclavage aux États-Unis.

Il est entendu que cet homme «est un raciste», habité par «une haine profonde des Blancs».

Ces quelques élucubrations ne constituent qu'un aperçu du discours que Glenn Beck tient dans le cadre de son émission radiophonique ou sur la chaîne de télévision Fox News depuis l'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche.

Elles suffisent cependant à comprendre l'incongruité du rôle joué par l'animateur conservateur dans l'organisation du rassemblement tenu samedi sur les lieux mêmes du plus célèbre discours de Martin Luther King, dont on commémorait ce jour-là le 47e anniversaire (une «coïncidence divine», selon Glenn Beck).

L'objectif avoué de l'organisateur ne consistait pas seulement à «rétablir l'honneur» des États-Unis mais également à «reconquérir» le mouvement des droits civiques, dont les idéaux auraient été pervertis par les disciples et émules du prédicateur assassiné, y compris le président Obama.

Selon la chaîne de télévision NBC, environ 300 000 personnes ont répondu à l'appel de Glenn Beck, une foule imposante, presque uniformément blanche, qui éclipserait les quelque 250 000 personnes, aux trois quarts noires, qui étaient massées devant le mémorial de Lincoln lorsque Martin Luther King prononça son discours «I Have a Dream».

De quoi donner des cauchemars à Barack Obama.

Manifestation apolitique?

La manifestation de Glenn Beck ne se voulait certes pas politique. Dans son discours, l'animateur, un ancien alcoolique qui dit avoir retrouvé le droit chemin grâce à la foi mormone, a d'ailleurs évité les commentaires partisans, appelant plutôt ses compatriotes à un renouveau religieux.

«Nous devons extirper le poison de la haine qui est en nous, quels que soient les calomnies ou les mensonges qui nous sont adressés. Nous devons nous tourner vers Dieu et vers l'amour. Nous devons défendre ceux avec lesquels nous sommes en désaccord», a-t-il dit, semblant oublier le rôle de provocateur qui est le sien à la radio ou à la télévision.

Mais la dimension politique de l'événement n'a échappé à personne. Même s'ils avaient laissé leurs affiches à la maison (à la demande des organisateurs), la plupart des manifestants se réclamaient du Tea Party, le mouvement de contestation anti-Washington dont Glenn Beck et la chaîne Fox News font la promotion depuis les premières semaines de l'administration Obama.

Et Sarah Palin, l'héroïne de ce mouvement, était la principale oratrice de la journée après Glenn Beck. L'ancienne candidate à la vice-présidence n'a pu résister à la tentation de formuler une critique voilée de Barack Obama, qui a promis de «transformer fondamentalement» les États-Unis.

«Nous ne devons pas transformer fondamentalement l'Amérique comme certains le veulent; nous devons rétablir l'Amérique et rétablir son honneur», a-t-elle déclaré, exhortant ses auditeurs à renouer avec les principes et les valeurs des Pères fondateurs, un refrain cher aux partisans du Tea Party.

Contre la justice sociale

À deux mois des élections de mi-mandat, le rassemblement de Glenn Beck a fourni une autre illustration de la capacité de la droite à se mobiliser. Démoralisée il y a moins de deux ans, celle-ci a retrouvé sa vigueur en s'opposant aux politiques de Barack Obama, qu'elle accuse de vouloir socialiser les États-Unis. Dans un contexte économique difficile, cet électorat pourrait infliger une sévère défaite aux alliés démocrates du président au Congrès à l'occasion du scrutin du 2 novembre.

Mais les cauchemars de Barack Obama ne sont sans doute pas seulement de nature politique. Comme le reste de ses concitoyens, le président a assisté samedi au triomphe d'un homme, Glenn Beck, qui se promet de «reconquérir» le mouvement des droits civiques tout en dénonçant la notion même de «justice sociale» qui a inspiré son leader le plus marquant, Martin Luther King.

«La justice sociale et la justice économique étaient les cris de ralliement des communistes et du front fasciste. Ce n'est pas une idée américaine», a déclaré l'animateur en mars dernier lors d'une de ses émissions radiophoniques.

Et cet homme aurait attiré des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes à Washington? Disons que Barack Obama ne doit pas être seul à avoir de mauvais rêves.