L'annonce de l'ambassadeur du Canada aux Nations unies a pris tout le monde de court.

«Le Canada voudrait retirer sa candidature et féliciter le Portugal et l'Allemagne pour leur élection au Conseil», a dit John McNee alors que le président de l'Assemblée générale de l'ONU, Joseph Deiss, venait tout juste de donner le feu vert à la distribution des bulletins de vote pour le troisième tour du scrutin.

Des cris de joie ont aussitôt fusé du côté de la délégation du Portugal, qui avait récolté 113 voix au deuxième tour de scrutin contre seulement 78 pour le Canada. Il fallait 128 voix, soit les deux tiers des votes, pour obtenir l'un des deux sièges non permanents réservés à la quatrième zone (Europe occidentale et autres) au Conseil de sécurité.

Au premier tour, l'Allemagne s'était assurée de l'autre siège par 128 voix, contre 122 pour le Portugal et 114 pour le Canada.

C'est donc de cette façon inattendue qu'a pris fin hier la course du Canada pour obtenir un siège au Conseil de sécurité, le plus puissant organe de l'ONU. Il s'agissait d'une première décevante, voire humiliante, pour le pays de Lester B. Pearson, qui n'avait jamais subi d'échec en pareille circonstance.

Le ministre des Affaires étrangères du Canada, Lawrence Cannon, n'a pas manqué d'imputer cet échec en partie aux critiques qu'avait faites le chef libéral, Michael Ignatieff, contre la candidature du Canada.

«Cela a eu un effet négatif sur la campagne canadienne», a déclaré M. Cannon dans une conférence de presse donnée au siège de l'ONU en compagnie de l'ambassadeur McNee et du ministre d'État des Affaires étrangères pour les Amériques, Peter Kent.

«Cela n'a pas aidé que nos opposants mentionnent le fait que, pour la première fois de son histoire, le Canada n'était pas uni dans sa candidature», a-t-il dit.

Au mois de septembre, Michael Ignatieff avait affirmé que le Canada ne méritait pas un siège au Conseil de sécurité en raison de la politique étrangère du gouvernement Harper.

Le ministre Cannon a nié que le vote des membres de l'Assemblée générale de l'ONU puisse constituer une «répudiation» de la politique étrangère du Canada. Il a affirmé que la vigueur avec laquelle le Canada a défendu certains principes comme «la liberté, la démocratie, les droits de la personne, la primauté du droit» a peut-être nui à sa candidature.

«Certains diront que, en raison de notre attachement à ces valeurs, nous avons perdu le siège. Si tel est le cas, alors, qu'il en soit ainsi», a-t-il dit.

Le vote des membres de l'Assemblée générale étant secret, il est impossible de savoir qui a voté pour qui, et pour quelles raisons. Certains observateurs estiment que les positions franchement pro-israéliennes du gouvernement Harper et sa décision de réduire son aide à l'Afrique, notamment, ont nui à la candidature canadienne.

Quoi qu'il en soit, le ministre Cannon n'a pas voulu s'étendre sur les raisons qui ont mené la délégation canadienne à se retirer de la course avant le troisième tour du scrutin.

«C'était la bonne chose à faire dans les circonstances», a-t-il dit. Il a soutenu qu'il avait pris cette décision avec l'ambassadeur du Canada à l'ONU.

Trois autres pays - l'Afrique du Sud, l'Inde et la Colombie - ont été élus au premier tour comme membres non permanents du Conseil de sécurité. Avec l'Allemagne et le Portugal, ils se joindront aux cinq membres non permanents élus l'an dernier (Bosnie, Brésil, Gabon, Nigeria et Liban) et aux cinq membres permanents (États-Unis, Grande-Bretagne, Chine, Russie et France).

La dernière présence du Canada au Conseil de sécurité remonte à 1998. Après avoir boudé l'ONU l'an dernier, le premier ministre Stephen Harper a tenté de s'en rapprocher au mois de septembre en vue de gagner le siège convoité au Conseil de sécurité. Il a prononcé deux discours devant l'Assemblée générale dans lesquels il a fait valoir l'attachement du Canada à l'ONU et son rôle sur la scène internationale, notamment en Afghanistan.

Les diplomates canadiens ont continué de faire la cour à leurs collègues du monde entier jusqu'à la dernière minute, allant même jusqu'à leur offrir de la bière et du sirop d'érable. Peine perdue.