La liberté d'expression

Le discours de Raul Castro, lors de son accession au poste de chef du Conseil d'État et des ministres, auquel il vient d'être nommé, n'a pas dissipé les doutes, déjà chroniques, que j'entretiens à son égard. (...) En essayant d'adapter les mots du discours à mon quotidien, cette phrase a retenu mon attention: «Arrêt de certaines gratuités (...) insoutenables.» Elle m'a incitée à lancer cette modeste proposition: je change les trois livres de sucre brun et blanc, les 3 kg mensuels de riz et le paquet de café prévus au carnet de rationnement pour une dose plus forte de liberté d'expression.

La Havane

Ma Havane détériorée achète peu à la fois, parle à voix basse et sent les eaux d'égout, alors que dans la ville qu'habitent les ministres, les hauts fonctionnaires et les diplomates se promènent dans les réceptions en mangeant des canapés et répandent un délicat parfum de crème hydratante.

L'utopie imposée

J'habite une utopie qui n'est pas la mienne. Mes grands-parents ont fait le signe de la croix devant elle, et mes parents lui ont donné leurs meilleures années. Moi, je la porte sur mes épaules sans pouvoir m'en débarrasser. Certains, qui ne la vivent pas, essaient de me convaincre à distance que je dois la conserver. Mais vivre l'illusion des autres, porter sur ses épaules le poids de ce dont les autres ont rêvé, rend fou. Je veux avertir dès maintenant ceux qui m'ont imposé sans me consulter ce mirage: je ne pense pas le léguer à mes enfants.

S'informer

Quelle drôle de manière nous avons, nous, les Cubains, de nous informer de ce qui se passe! Nous avons appris à lire entre les lignes, à nous méfier de chaque information et à douter de ce que disent ces messieurs en costume-cravate qui apparaissent aux bulletins de nouvelles. Quand un gros titre annonce que «tel service est rétabli», en fait, il y a deux nouvelles en une: celle qu'on n'avait jamais publiée et qui disait que «ça ne fonctionne pas en ce moment» et l'autre indiquant que «ça a recommencé à fonctionner».

Le rationnement

En faisant la queue pour la malanga (un tubercule), je me suis disputée avec une dame. Elle voulait faire passer deux de ses amies devant moi et j'avais calculé que si j'acceptais, je n'aurais pas mes 10lb de légumes qui sont rationnés depuis le passage des ouragans. Finalement, j'ai laissé passer les deux vieilles devant moi et je ne les ai pas insultées quand le vendeur m'a dit: «Il n'y en a plus!» Je trouve déprimant d'avoir à me battre pour de la nourriture: c'est peut-être pour ça que je suis si maigre.

Penser différemment

« Des temps difficiles s'annoncent. Je suis optimiste à plus long terme mais le découragement s'empare de moi quand je pense aux années qui s'en viennent. Il y a trop de frustration accumulée. Ils ont systématiquement semé parmi nous le rejet de celui qui pense différemment et cela ne s'efface pas en un rien de temps.»