Le soir où le New York Times et d'autres médias internationaux ont commencé à détailler le contenu de la fuite géante de WikiLeaks sur la guerre en Irak, Barack Obama participait à un rassemblement électoral à Las Vegas. Tout président et commandant en chef des forces armées américaines soit-il, il n'a pas dit un traître mot sur le sujet, pas même pour condamner la diffusion de documents militaires secrets.

Le même soir, les émissions régulières des chaînes d'information continue - Fox News, MSNBC et CNN - ont à peine évoqué les quelque 391 000 rapports d'incidents obtenus par WikiLeaks qui mettent en évidence de nombreux cas de crimes de guerre commis par les forces américaines, selon le site internet spécialisé dans le renseignement. Et Larry King a pu passer une heure divertissante avec les membres de la distribution de la comédie de situation satirique Modern Family.

Les États-Unis ont dépensé plus de 1000 milliards de dollars et perdu des milliers de soldats au cours des neuf dernières années dans le cadre de leurs campagnes militaires en Afghanistan et en Irak, et ils sont encore loin d'être au bout de leurs peines. Mais les politiciens, citoyens et médias américains semblent avoir rayé de leurs préoccupations ce qui se passe dans ces pays envahis au nom de la sécurité et de la démocratie.

Ce déni de la réalité militaire à laquelle doivent continuer à faire face les soldats américains en Irak et en Afghanistan est particulièrement frappant en cette saison électorale. En 2006, lors des dernières élections de mi-mandat aux États-Unis, la guerre en Irak et le terrorisme étaient en première position dans le classement des priorités des électeurs, selon un sondage The New York Times/CBS News publié à l'époque.

Quatre ans plus tard, seulement 3% des Américains considèrent que la guerre en Afghanistan constitue le problème le plus important auquel font face les États-Unis. Pour la grande majorité - 60% -, l'économie et le chômage viennent en tête des priorités nationales.

À quelques rares exceptions près, les programmes, discours et publicités des candidats aux élections de mi-mandat reflètent les préoccupations actuelles des électeurs. Les candidats démocrates sont d'autant moins intéressés à parler de la guerre en Afghanistan que la base de leur parti voit d'un mauvais oeil l'escalade militaire à laquelle le président Obama a donné le feu vert en décembre 2009.

Les républicains, de leur côté, préfèrent mettre l'accent sur des thèmes qui les avantagent - l'économie, le chômage et les déficits, entre autres - plutôt que d'aborder un sujet sur lequel ils sont plutôt en accord avec le chef de la Maison-Blanche.

Mais le silence des candidats sur la guerre en Afghanistan et l'indifférence des électeurs à l'égard de ce conflit tiennent aussi en partie à un phénomène auquel le secrétaire à la Défense Robert Gates a fait allusion lors d'un discours récent à l'Université de Caroline-du-Nord.

«Aucun conflit majeur de notre histoire n'a été livré avec un pourcentage aussi réduit de nos citoyens sous les drapeaux à temps plein. Pour la plupart des Américains, la guerre reste une abstraction, une série d'informations lointaines et déplaisantes qui ne les affectent pas personnellement», a-t-il déclaré.

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C'est cette indifférence qui a poussé Tommy Sowers à tourner le dos à une carrière militaire prometteuse afin de briguer un siège à la Chambre des représentants dans une circonscription du Missouri. Aujourd'hui, le vétéran de 34 ans, qui a été déployé à deux reprises en Irak, est l'un des rares candidats à soulever la question de l'Afghanistan dans ses discours.

«Je pense que nous devons mettre fin à cette guerre en Afghanistan. Nous sommes là-bas depuis trop longtemps», a-t-il dit dans un discours récent, en déplorant le manque d'intérêt que manifeste le Congrès non seulement pour le conflit afghan, mais également pour la situation en Irak, où se trouvent encore des dizaines de milliers de soldats américains.

Diplômé de la London School of Economics, Tommy Sowers se présente pour le Parti démocrate. Il fait face à une républicaine relativement modérée, Jo Ann Emerson, dont la première élection à la Chambre des représentants remonte à 1996. Aux dernières nouvelles, le démocrate tirait de l'arrière sur son adversaire par plus de 30 points.