Les chaînes de restauration rapide devraient-elles pouvoir offrir un jouet à l'achat d'un repas de malbouffe?

La Ville de San Francisco croit que non. La semaine dernière, le conseil municipal a mis en place de nouvelles règles qui empêchent les restaurants de donner un jouet à l'achat d'un repas riche en calories vides, une première pour une grande ville aux États-Unis.

En légiférant sur une question aussi délicate que les choix alimentaires, San Francisco a provoqué un débat public. Pour ses défenseurs, la mesure est un premier pas vers une meilleure alimentation pour les enfants.

«Nous faisons partie d'un mouvement qui veut rendre l'alimentation plus juste, a déclaré le conseiller Eric Mar. De San Francisco à New York, l'épidémie d'obésité infantile aux États-Unis rend les enfants malades, particulièrement les enfants des milieux à faibles revenus. C'est un enjeu majeur.»

Le nouveau règlement a été décrié par la chaîne McDonald's, qui offre un jouet avec ses Happy Meals (Joyeux festins ici). «Nous sommes extrêmement déçus de la décision, a dit la porte-parole Danya Proud. Ce n'est pas ce que nos clients veulent, ce n'est pas une chose qu'ils ont demandée. Les parents, et non le gouvernement, devraient avoir le dernier mot sur l'alimentation de leur enfant.»

Le maire de San Francisco, Gavin Newsom, a promis d'imposer son veto à la mesure. Ce geste serait symbolique: le nouveau règlement a reçu assez d'appuis de la part des conseillers pour invalider l'opposition du maire. La loi doit être en vigueur en décembre 2011.

La nouvelle mesure offre une porte de sortie aux restaurateurs: la possibilité de proposer un repas plus sain.

Pour respecter les nouvelles directives et offrir un jouet, McDo et les autres chaînes de restauration rapide devront limiter le repas assorti à 600 calories, inclure au moins une demi-tasse de légumes, limiter le sodium et les calories provenant du gras, et inclure au moins un article composé de grains complets.

Exacerber le problème?

Et si, par cette nouvelle mesure, San Francisco encourageait malgré elle l'épidémie d'obésité?

C'est la thèse avancée par Joshua Gans, économiste et auteur du livre Parentonomics.

«Si McDonald's cessait de donner un jouet, alors les entreprises rivales pourraient retrouver l'attention des enfants et augmenter leurs ventes, écrit M. Gans dans le Harvard Business Review. Cela se traduirait par une hausse de la consommation de malbouffe par les enfants.»

N'ayant plus le droit d'offrir un jouet, McDonald's se trouverait face à un dilemme: rendre les repas pour enfants plus nutritifs, ou augmenter les portions, histoire de trouver une nouvelle façon de séduire les jeunes consommateurs.

Si McDonald's proposait des repas plus sains pour offrir le jouet, rien ne dit que les enfants seraient tentés par ce nouveau menu. «Pour les parents, faire accepter ce nouveau menu aux enfants pourrait être difficile, surtout que l'offre de malbouffe existe toujours.»

La question de la consommation de malbouffe chez les enfants est loin d'être théorique aux États-Unis. Une nouvelle étude de l'Université Yale montre que 40% des enfants demandent au moins une fois par semaine à leurs parents d'aller chez McDonald's. Aussi, 84% des parents interrogés ont dit avoir mangé avec leurs enfants dans un restaurant de restauration rapide au cours de la dernière semaine.