Les chômeurs devraient-ils travailler sans salaire? Voilà un des remèdes proposés par David Cameron pour rétablir la «justice sociale» entre travailleurs et assistés sociaux. Il entend aussi sabrer dans les allocations au logement dont bénéficient les familles démunies. Ses réformes sociales soulèvent la colère, autant dans la rue que dans l'Église anglicane.

«C'est de l'esclavage!» William O'Dwyer, sans emploi depuis un an, ne veut rien entendre du projet du premier ministre David Cameron, qui veut contraindre les chômeurs de longue date à faire du bénévolat. «J'ai deux enfants, j'ai besoin d'un emploi payant», dit l'homme de 37 ans.

Le Parlement débattra pourtant de la question aujourd'hui. Dans la foulée du plan d'austérité annoncé le mois dernier, les conservateurs veulent forcer les personnes au chômage depuis un an à faire 30 heures de travail communautaire par semaine, comme le ramassage des feuilles mortes ou la collecte des déchets, pendant un mois.

Les désobéissants perdront 3 mois d'allocations, qui varient entre 80 et 100$ par semaine.

L'idée est de rehausser leur employabilité et leur estime de soi, selon le ministre du Travail et des Pensions, Iain Duncan Smith. «Des 5 millions de personnes qui sont sans emploi, 1,5 million le sont depuis 10 ans», se plaît à rappeler le ténor conservateur.

Ce projet, dont les détails seront connus aujourd'hui, vise également à décourager le travail au noir.

«Le message va faire son chemin; suivez les règles du jeu, sinon vous aurez la vie dure», a expliqué Iain Duncan Smith au Daily Telegraph.



Ghettos de pauvres?

La réforme de l'aide sociale ne s'arrête pas là. Le plafond des allocations de logement pour les assistés sociaux sera réduit, ce qui permettra au gouvernement de Cameron d'économiser l'équivalent de 3,2 milliards de dollars par année.

Encore une fois, les chômeurs de longue date sont ciblés: ils perdront 10% de leurs prestations de logement.

«Le budget de l'aide au logement s'élève à 32 milliards de dollars par année, soit trois fois plus que celui pour la police, dit M. Duncan Smith. Pendant trop longtemps les contribuables ont logé dans des quartiers chic des familles qui bénéficient de l'aide sociale.»

Ce projet pourrait toutefois avoir un effet pervers: les foyers à faible revenu du sud de l'Angleterre pourraient migrer vers le nord, où les loyers sont plus bas, mais les emplois, plus rares. La moitié des quartiers abordables à Londres deviendront trop chers d'ici à 2016, selon l'organisme d'aide aux sans-abri Shelter.

«En bout de piste, cela pourrait créer des ghettos et de nouveaux problèmes», dit Martin Seeleib-Kaiser, professeur de politique comparative à l'Université d'Oxford.

Ces mesures alimentent également la croyance populaire qui veut que les assistés sociaux abusent du système, croit le professeur de Nottingham Bruce Stafford. «C'est un retour à l'ère Thatcher où les groupes vulnérables étaient persécutés, croit l'expert en politique sociale. Le gouvernement amasserait plus d'argent s'il faisait la guerre à l'évasion fiscale.»

Il y a pourtant bel et bien des tricheurs. «J'avais un coloc qui prétendait avoir besoin de béquilles alors que sa santé était bonne», dit Kimiko Ninomiya, Britannique d'adoption et chômeuse depuis un an.

Étudiants en colère

La politique du bâton des conservateurs mènera-t-elle à un hiver de mécontentement?

En plus des étudiants, qui ont envahi les rues de Londres hier, des syndicats et de l'opposition travailliste, les rangs des protestataires comptent l'archevêque de Canterbury, qui est sorti de sa réserve habituelle, pour critiquer ces mesures «injustes».

Peut-on prévoir d'autres émeutes? Ce n'est pas impossible. Mais comme le fait remarquer Martin Seeleib-Kaiser: «Les mouvements sociaux sont rares, en Angleterre, contrairement à la France ou à la Grèce.»

Photo: Reuters

Plusieurs milliers d'étudiants ont occupé hier pendant cinq heures le QG du Parti conservateur à Londres, où ils ont pénétré par la force quand a dégénéré une manifestation sans précédent contre le triplement des droits de scolarité à l'université.