Depuis le début de sa présidence, Barack Obama a déçu ses électeurs et alliés les plus progressistes en adoptant des positions jugées timides, pragmatiques ou conservatrices sur la santé, l'Afghanistan et Wall Street, entre autres. Mais le président démocrate a suscité bien plus que de la déception lundi soir en annonçant les grandes lignes d'un compromis avec les républicains sur la fiscalité.

Indignation, colère, révolte: aucun terme ne semble trop fort pour décrire la réaction de l'aile gauche du Parti démocrate à ce que le sénateur indépendant du Vermont Bernie Sanders a décrit comme «un désastre absolu et une insulte à la grande majorité des Américains».

Tentant de désamorcer cette fronde, Barack Obama a défendu mardi son accord de principe avec les républicains, qui prévoit notamment une prolongation pendant deux ans des allègements fiscaux de l'ère Bush pour tous les contribuables, y compris les plus riches, en échange entre autres d'un déblocage des allocations pour deux millions de chômeurs qui avaient expiré fin novembre et qui seront versées jusqu'à la fin 2011.

Durant sa campagne présidentielle de 2008, Barack Obama avait promis de se battre pour renouveler les réductions d'impôts pour la classe moyenne, en laissant expirer celles pour les foyers gagnant plus de 250 000$ par an. Il a répété cette promesse avant et après les élections de mi-mandat du 2 novembre, qui se sont soldées par un triomphe des républicains.

«C'est leur Graal»

Il a reconnu en conférence de presse avoir été incapable de «faire bouger» les républicains sur la question des cadeaux fiscaux aux plus riches.

«C'est leur Graal», a-t-il déclaré. «Ces réductions d'impôts pour les riches semblent au coeur de leur doctrine économique.»

Tout en disant comprendre le désir de certains de ses partisans pour «une longue bataille politique» sur cette question, le président Obama a estimé qu'un tel

affrontement «aurait été une mauvaise chose pour l'économie» ainsi que «pour le peuple américain».

Comme il l'avait fait avant les élections de mi-mandat, il a de nouveau accusé les républicains d'avoir «pris en otage» la classe moyenne en bloquant les réductions d'impôts pour tous les contribuables à moins qu'elles ne profitent aussi aux plus riches.

«Je sais qu'il est tentant de refuser de négocier avec des preneurs d'otages», a-t-il dit. «Mais seulement si l'otage n'est pas blessé. Dans ce cas précis, l'otage était le peuple américain et je ne voulais pas qu'il soit meurtri.»

Il a par ailleurs traité de «puristes» les progressistes qui lui reprochent son approche pragmatique dans des dossiers comme ceux de la fiscalité et de la santé.

«Moralement corrompu»

Le compromis négocié entre le président et les chefs de file républicains du Congrès doit être approuvé par le Sénat et la Chambre des représentants. La sénatrice démocrate de Louisiane Mary Landrieu a promis de s'opposer à l'accord de principe, qualifiant de «presque moralement corrompu» d'emprunter des milliards de dollars pour assurer aux contribuables les plus fortunés des allègements fiscaux.

Le sénateur Sanders a pour sa part menacé d'employer une manoeuvre parlementaire appelée «filibuster» pour bloquer l'adoption du compromis.

Des sénateurs et représentants républicains ont également exprimé leur opposition à l'accord, dénonçant de leur côté le déblocage des allocations chômage.

Les allègements fiscaux de l'ère Bush expireront le 31 décembre s'ils ne sont pas prolongés. S'ils le sont, Barack Obama s'est engagé mardi à se battre dans deux ans pour éliminer ceux qui sont destinés aux foyers gagnant plus de 250 000$. «À long terme, nous ne pouvons tout simplement pas nous le permettre. Et lorsqu'ils expireront dans deux ans, je me battrai pour y mettre fin», a-t-il dit, faisant allusion à 2012, année de la prochaine présidentielle.