«Je ne le qualifierais pas de dictateur», a déclaré Joe Biden lors d'une entrevue accordée jeudi à la chaîne de télévision PBS. Il parlait de Hosni Moubarak, qui a déployé l'armée égyptienne hier pour mater les manifestations contre sa mainmise sur le pouvoir depuis 1981.

Le vice-président n'est pas le seul ténor de l'administration américaine à avoir fait cette semaine des déclarations qui ont été contredites par les événements en Égypte. Mardi, la secrétaire d'État Hillary Clinton a également suscité des réactions étonnées en assurant que le régime au Caire était «stable».

Depuis lors, la chef de la diplomatie américaine a cherché à rectifier le tir, allant jusqu'à réclamer hier au raïs égyptien de «réfréner les forces de l'ordre» et d'instaurer des réformes «immédiates» dans son pays.

«Ces manifestations montrent les doléances profondes de la société égyptienne, et le gouvernement doit comprendre que cette violence ne fera pas disparaître les doléances», a déclaré Hillary Clinton, le visage sérieux et le ton solennel.

«Nous exhortons les autorités égyptiennes à permettre les manifestations pacifiques et à mettre fin aux mesures sans précédent qu'elles ont prises pour bloquer les communications», a-t-elle ajouté.

Les déclarations contradictoires, voire hypocrites, de Joe Biden et de Hillary Clinton illustrent la situation délicate dans laquelle se trouve aujourd'hui Washington vis-à-vis de l'Égypte, plus important allié des États-Unis dans le monde arabe. D'une part, l'administration Obama n'a jamais cru à la possibilité de vraies réformes sous Hosni Moubarak, contrairement à l'administration précédente, dont les interventions publiques sur le sujet lui ont valu la reconnaissance des membres de l'opposition égyptienne.

D'autre part, l'administration démocrate ne voulait pas une répétition en Égypte des élections qui ont permis à des organisations islamistes et antiaméricaines de prendre le pouvoir en partie ou en totalité dans la bande de Gaza et au Liban.

Contestation sous-estimée?

Au cours des deux dernières années, l'administration démocrate a préféré financer discrètement des groupes issus de la société civile en préparation du jour où l'Égypte serait prête à de vraies réformes. Or, Barack Obama et ses principaux conseillers semblent avoir sous-estimé la force de l'opposition égyptienne et la soif de changement de la population.

Washington est donc aujourd'hui en mode rattrapage. Le président Obama n'est certes pas encore prêt à larguer Hosni Moubarak. Jeudi, lors de sa première déclaration sur les manifestations, il a tenu à affirmer que le président égyptien jouait un rôle «très utile dans un éventail de dossiers difficiles au Proche-Orient».

«Mais je lui ai toujours dit qu'il était absolument crucial, pour le bien à long terme de l'Égypte, de progresser sur la voie des réformes - des réformes politiques et économiques. On voit ces frustrations contenues se manifester dans les rues», a-t-il ajouté.

De toute évidence, les messages privés du président Obama à son homologue égyptien n'ont pas porté leurs fruits. Aussi l'administration américaine a-t-elle emprunté hier une autre voie pour se faire entendre.

«Nous réexaminerons notre assistance (à l'Égypte) en fonction des événements des prochains jours», a déclaré le porte-parole de la Maison-Blanche, Robert Gibbs.

En 2010, l'Égypte a reçu des États-Unis une aide militaire de 1,3 milliard de dollars et une aide financière de 250 millions de dollars.