Mars 2004, un an après l'invasion irakienne. Tony Blair est accueilli en grande pompe dans une tente en plein milieu du désert libyen. « Vous avez l'air bien, vous êtes encore jeune », lui dit son hôte. Le Bédouin, drapé de velours, n'est nul autre que le colonel Mouammar Kadhafi.

Aux familles des victimes de l'attentat de Lockerbie de 1988, commandité par la Libye, le premier ministre britannique d'alors explique que Kadhafi n'est plus une menace : il a démantelé son programme d'armes de destruction massive en décembre 2003.

Le jour même, le géant anglo-néerlandais Shell annonce un contrat de 550 millions de livres sterling - près de 788 millions de dollars - pour explorer les gisements gaziers en Libye.

Après ce pacte dans le désert, les multinationales britanniques font des affaires d'or en Libye. BP obtient un contrat d'exploitation de 900 millions de dollars en 2007 ; BAE Systems, le numéro un mondial de l'armement, maintient à flot l'artillerie du dictateur.

En août 2009, le terroriste de Lockerbie, Abdelbaset Ali al-Megrahi, est amnistié au grand dam des États-Unis.

Londres devient une seconde résidence pour le clan de Kadhafi. Son fils Saïf Al-Islam, qui a menacé les manifestants le week-end dernier, est diplômé de la London School of Economics et possède plusieurs propriétés dans la capitale.

La révolte des Libyens éclabousse maintenant la Grande-Bretagne. Mona Rishmawi, conseillère juridique à l'ONU, a suggéré cette semaine que Londres pourrait être coupable de « complicité » dans les massacres de civils par l'armée du « guide suprême ».

La presse britannique de droite blâme de son côté Tony Blair et le Parti travailliste pour avoir rétabli les relations commerciales avec l'État paria.

La coalition du conservateur David Cameron n'a toutefois pas mis un frein à ce partenariat, relève l'analyste Molly Tarhuni. « Chacun et son frère faisaient de l'argent en Libye », résume-t-elle à La Presse

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