Dans un quartier cossu de Londres, un groupe de Libyens mène sa propre révolution. Ils occupent depuis hier midi une propriété de luxe appartenant à Saïf Al-Islam Kadhafi, le fils cadet du dictateur libyen, dans Hampstead.

Les squatteurs, dont le mouvement s'appelle Renverser les tyrans (Topple The Tyrants), veulent obtenir l'assurance que les actifs gelés du clan Kadhafi seront remis aux Libyens.

La maison de brique rouge, évaluée à 17 millions de dollars canadiens, a été transformée en quartier général londonien de la résistance libyenne. Une image de Mouammar Kadhafi barrée d'un trait rouge a été installée sur le toit, avec deux banderoles portant les inscriptions «Solidarité» et «Révolution» en anglais et en arabe.

L'entrée de la demeure est munie de caméras de sécurité. Des Londoniens d'origine libyenne y pénètrent et en sortent par une fenêtre. Ils refusent l'accès aux médias.

»Des armes britanniques»

«Je ne fais pas confiance au gouvernement britannique pour qu'il saisisse effectivement les actifs de Kadhafi. Après tout, le dictateur massacre les rebelles avec des armes britanniques», affirme à La Presse Hassan, 50 ans, qui n'a pas voulu dire son nom de famille.

Azeldine Al-Sharif, qui a perdu un frère dans les affrontements à Benghazi, soutientqu'au moins 25 personnes passeront la nuit sur les lieux. «Des gens vont nous apporter de la nourriture et des sacs de couchage», précise-t-il.

La propriété est pourvue d'une piscine intérieure, d'un jacuzzi, d'une salle de cinéma et de huit chambres à coucher. Saïf Kadhafi détenait un vaste portefeuille immobilier à Londres, dont des locaux commerciaux à Oxford Circus et des bureaux dans le secteur financier de la City.

Le gouvernement britannique a affirmé vendredi qu'il avait gelé tous les actifs de Mouammar Kadhafi et de ses proches au pays, évalués à 3,2 milliards de dollars. «Ce soir, nous allons célébrer et parler politique», dit Hassan alors qu'on entend des cris de joie à l'intérieur.

Le quartier des dictateurs

Deux jeunes voisins observent la scène avec amusement. D'autres dictateurs ont une maison dans Hampstead, soutiennent Max Spencer et Benjamin Greenwold. «Le sultan de Brunei et le cheikh d'Arabie Saoudite sont propriétaires près de chez nous», disent-il.

Un autre voisin, le Dr Saul Zadka, faisait déjà campagne pour empêcher Kadhafi fils de revenir dans son manoir. «Hampstead est devenu un havre pour des gens suspects, dit-il. C'est la faute de la Grande-Bretagne, qui a fermé les yeux tout ce temps.»

Des policiers ont tenté en vain de discuter avec les squatteurs. Ils sont repartis au bout de trois heures. Selon la loi britannique, le propriétaire d'une maison squattée doit obtenir la permission de la justice avant de faire évacuer les occupants.