Pendant que les adversaires républicains de Barack Obama tardent à se présenter sur la ligne de départ pour la course à la Maison-Blanche de 2012, les électeurs de leur parti rêvent au candidat idéal. Plusieurs d'entre eux l'ont trouvé au New Jersey dans la personne du gouverneur Chris Christie. Mais il y a un hic, et il est de taille...

«Fin du discours», annonce Chris Christie en enlevant son veston, un geste qui dévoile un tour de taille digne d'un lutteur de sumo. «C'est ici que la partie amusante de la réunion commence.»

Micro à la main, allant et venant dans un espace rectangulaire délimité par un cordon, le gouverneur du New Jersey s'adresse à environ 200 personnes réunies dans une salle paroissiale de Hopatcong, municipalité de 15 800 habitants située à 60 kilomètres à l'ouest de la ville de New York. Élu en novembre 2009 à la tête d'un État au bord de la faillite, le républicain de 48 ans tient une de ces réunions publiques qui ont contribué à sa renommée.

«Certains d'entre vous ont peut-être vu des extraits de ces réunions publiques sur l'internet», enchaîne-t-il en souriant, faisant référence aux clips de ses prises de bec avec des citoyens agressifs, qui sont souvent des employés publics de l'État du New Jersey. «Les seules fois où cela arrive, c'est quand les gens sont irrespectueux et fâchés, et qu'ils se mettent à crier contre moi. La plupart des politiciens réagissent à ce genre de situation en disant " merci beaucoup pour votre question, c'était très réfléchi ". Ils agissent gentiment, comme si vous aviez été très gentils. Pas moi.»

L'assemblée accueille la mise au point du gouverneur avec des rires et des applaudissements. La période de questions, à laquelle La Presse a assisté mercredi, n'a cependant pas donné lieu à une altercation digne de YouTube. Plutôt à une sorte de déclaration d'amour qui connaît depuis un succès viral sur l'internet.

«Je pense que d'avoir un gouverneur qui est intelligent et qui a la persévérance de faire ce qui doit être fait est hot et sexy», a déclaré Debra Nicholson, une femme blonde à la mise soignée, avant de poser une question sur le logement social.

Populaire chez les conservateurs

De toute évidence, Debra Nicholson n'est pas la seule à éprouver une telle admiration pour Chris Christie. Selon un sondage de l'Université Quinnipiac publié cette semaine, le gouverneur du New Jersey se classe au 3e rang des personnalités les plus sympathiques aux yeux de ses compatriotes après Michelle Obama et Bill Clinton. Barack Obama le suit de près au quatrième rang.

Les résultats de ce sondage expliquent en partie pourquoi Chris Christie fait rêver plusieurs républicains, qui voient en lui le seul candidat susceptible de battre le président Obama en 2012. Même s'il vient d'un État traditionnellement démocrate, le gouverneur est particulièrement populaire auprès des conservateurs purs et durs.

«Si vous ne choisissez pas Chris Christie, (Mitt) Romney remportera l'investiture et nous perdrons» l'élection présidentielle, a déclaré récemment Ann Coulter, pasionaria de la droite, devant une foule de militants conservateurs, qui ont acclamé ses propos.

Il y a un an, l'animateur de radio Rush Limbaugh s'est demandé de son côté «si c'était mal d'aimer un homme». «Car j'aime Chris Christie!» a-t-il avoué à ses auditeurs.

L'admiration des Coulter et Limbaugh pour Chris Christie tient sans doute à son attitude combative, voire belliqueuse, face aux syndicats qui représentent les employés publics de l'État. Pour combler un déficit de 11 milliards de dollars cette année, le gouverneur du New Jersey a notamment ciblé les avantages sociaux des syndiqués de la fonction publique.

Mais, comme il le démontre très bien lors de ses réunions publiques, Chris Christie est plus qu'un bagarreur. Sa façon de présenter ses arguments est celle d'un ancien procureur fédéral (il a occupé cette fonction de 2002 à 2008) qui doit parvenir à convaincre des jurés. Il faut ajouter à cette approche efficace un sens de l'humour qui lui a déjà valu d'être comparé à un stand-up comic.

Pas prêt pour la présidence?

Jerry Murphy, maire adjoint de Sparta, municipalité voisine de Hopatcong, fait partie des convertis à la cause de Chris Christie.

«Il a du caractère, j'aime ça, c'est rafraîchissant et nécessaire», a-t-il déclaré après avoir assisté à la réunion publique du gouverneur mercredi. «Il ne ménage personne, il dit les choses comme elles sont. Pour tout dire, j'ai changé de parti à cause de lui.»

Comme plusieurs des personnes réunies dans la salle paroissiale de Hotpatcong, Jerry Murphy est convaincu de la supériorité de Chris Christie sur tous les possibles prétendants républicains à la Maison-Blanche.

«Est-il excitant? Est-il intelligent? Est-il quelqu'un qui peut attirer l'attention? Je pense que la réponse est pas mal évidente», dit l'élu de Sparta.

Le hic, et il est de taille, c'est que Chris Christie répète sur tous les tons qu'il n'a aucunement l'intention de briguer la présidence en 2012, et ce, même si les circonstances semblent être idéales pour un candidat s'étant attaqué à des déficits abyssaux et ayant une personnalité comme la sienne.

«Ce n'est pas une raison pour être président des États-Unis», a déclaré le gouverneur du New Jersey le mois dernier après un discours à Washington. «Vous devez être convaincu dans votre for intérieur que vous êtes prêt et je ne crois pas l'être en ce moment. Voilà pourquoi je dis que je ne briguerai pas la présidence et je ne peux imaginer changer d'idée. De toute façon, ma femme me tuerait.»

Ruth Mandel, directrice de l'Institut politique Eagleton à l'Université Rutgers, ne doute pas de la sincérité de Chris Christie.

«Il a été très catégorique sur ce sujet. Il n'y a aucune raison de croire qu'il a l'intention de briguer l'investiture», a-t-elle déclaré lors d'une entrevue téléphonique. «Il sait qu'il pourrait gagner l'investiture, mais il ne se sent pas prêt pour la présidence. Cela en dit long sur sa personnalité.»