Plutôt que de venir en aide à l'Italie en ouvrant ses portes aux immigrants illégaux tunisiens qui affluent dans l'île de Lampedusa, la France propose de donner un nouveau tour de vis à ses frontières.

Le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, qui ne manque pas une occasion de montrer sa fermeté en matière d'immigration, vient d'annoncer qu'une compagnie républicaine de sécurité (CRS) serait déployée sous peu pour «épauler les services locaux de police et gendarmerie» dans leur tâche.

Selon l'Agence France-Presse, environ 2800 Tunisiens provenant de l'Italie ont été interpellés en France au cours du dernier mois. La plupart ont été retournés à Rome ou renvoyés directement en Tunisie.

L'envoi d'autres effectifs policiers se veut une réponse à la décision du gouvernement italien de Silvio Berlusconi de doter les immigrants illégaux arrivant en Italie d'un permis de séjour temporaire.

Celui-ci leur donne en théorie le droit de circuler sur le continent, mais plusieurs pays européens refusent de collaborer et promettent, comme la France, de rétablir des contrôles sévères à leurs frontières. C'est le cas de la Belgique, de l'Autriche, mais aussi de l'Allemagne.

«Nous ne pouvons accepter que de nombreux migrants économiques viennent en Europe en passant par l'Italie», a déclaré il y a quelques jours le ministre allemand de l'Intérieur, Hans-Peter Friedrich.

Libre circulation des personnes

À l'issue d'un sommet tenu lundi au Luxembourg, le ministre italien de l'Intérieur, Robert Maroni, a fustigé l'attitude de ses homologues. «Je me demande si cela a encore un sens de faire partie de l'Union européenne (...) Franchement, mieux vaut être seul que mal accompagné», a déclaré le politicien.

L'île de Lampedusa a dû accueillir depuis le début du mois de janvier plus de 20 000 immigrants illégaux qui arrivent de la Tunisie à bord d'embarcations de fortune. La plupart migrent pour des raisons économiques, espérant refaire leur vie sur le continent.

Nombre d'entre eux souhaitent se rendre en France, mais Paris leur oppose une fin de non-recevoir.

Les pays de l'Union européenne, après avoir mis des années à s'entendre sur le principe de libre circulation des personnes, sont en train de le faire voler en éclats «par des initiatives nationalistes et égoïstes», déplore en entrevue la directrice du Groupe d'information et de soutien des immigrés, Claire Rodier.

«Aucun pays européen ne manifeste la moindre solidarité. On est face à un repli sur soi généralisé», déplore la porte-parole de cette organisation française.

Claude Guéant affirme que les dispositions de l'accord de Schengen, qui régit la circulation des personnes sur le continent, permettent dans certaines conditions de bloquer les détenteurs de permis de séjour temporaires. C'est le cas notamment s'ils ne peuvent prouver qu'ils disposent de revenus suffisants pour assurer leur subsistance.

Richard Moyon, porte-parole du Réseau éducation sans frontières, une organisation française qui vient en aide aux immigrants, trouve que la réponse des pays européens à la crise à Lampedusa est «consternante».

«Une lame de fond démocratique touche le monde arabe et la seule préoccupation de nos dirigeants est d'empêcher quelques dizaines de milliers de personnes de venir en Europe», dit-il.

Mme Rodier souligne, dans la même veine, que le nombre d'immigrants arrivant en Italie est «dérisoire» par rapport à la population européenne. «On devrait parler de solidarité et d'accueil. Là, c'est tout le contraire», dit-elle.