La publicité d'une grande chaîne de vêtements montrant ces jours-ci une femme tout sourire sous le slogan «Tout est permis» pourrait, semble-t-il, résumer l'attitude de nombre d'hommes politiques français envers leurs collègues de l'autre sexe.

Visible dans les rues de Paris, elle fait involontairement écho aux témoignages de plusieurs élues qui ont souligné pour la première fois au cours des derniers jours leurs difficultés récurrentes avec le sexisme.

L'arrestation de l'ex-directeur général du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn, qui est accusé d'avoir agressé une femme de chambre dans un hôtel new-yorkais, se traduit en France par une séance collective d'introspection à laquelle n'échappe pas l'Assemblée nationale.

Sous le titre «Marre des machos», le quotidien Libération a publié en début de semaine les témoignages de plusieurs femmes politiques qui dressent un portait préoccupant de la situation.

Les personnes interviewées, qui couvrent tout le spectre politique, affirment qu'elles ont dû apprendre à s'endurcir au fil des ans face aux piques de leurs collègues.

Corinne Lepage, ancienne ministre de l'Environnement, relève qu'elle a entendu dans l'hémicycle des «plaisanteries graveleuses incroyables». «Lorsqu'une députée a évoqué un viol, un de ses collègues a lancé assez fort: «Avec la tête qu'elle a, ça ne risque pas de lui arriver»», a-t-elle notamment expliqué au journal.

La porte-parole du groupe d'élus socialistes à l'Assemblée nationale, Aurélie Filipetti, souligne que les femmes politiques se «blindent» pour tenir le coup.

«Il le faut, pour se contraindre, comme certaines, à ne pas venir en jupe. Il le faut, pour entendre un député lâcher, lors d'une cérémonie officielle, devant trois députées: «La chasse, c'est comme les femmes, on regrette toujours les coups qu'on n'a pas tirés», relate Mme Filipetti.

Au Figaro, une autre députée a confié au début de la semaine qu'elle est harcelée depuis longtemps à l'Assemblée nationale par un député qui multiplie les sorties salaces et les propositions sexuelles. Les retombées de l'affaire Strauss-Kahn ont cependant amené récemment certains de ses collègues à le rappeler à l'ordre.

La députée Chantal Brunel, qui fait partie de la majorité gouvernementale, pense que l'arrestation de l'ex-favori socialiste a délié les langues et introduit «la peur» chez les hommes qui ont des comportements de domination sexuelle sur les femmes.

L'image projetée de la classe politique est si négative que certaines députées ont jugé nécessaire au cours des derniers jours de monter au front pour défendre leurs collègues, arguant qu'elles ne les reconnaissaient pas dans le portrait «dégradé» qui se dégage des propos recensés par les médias.

Le regroupement Osez le féminisme, qui milite pour l'égalité des sexes, pense que la situation dans le milieu politique témoigne du fait que le sexisme demeure «profondément ancré» dans la société française.

Les propos rapportés par les politiciennes reflètent ceux que l'on entend à plus large échelle au quotidien, souligne une militante de l'organisation, Linda Ramoul. «Ce sont les mêmes éléments de langage qui pourrissent la vie de milliers de femmes française», souligne-t-elle.

Pour mettre en relief ce sexisme «ordinaire», l'organisation a lancé en 2010 un blogue intitulé Viedemeuf destiné à recueillir les témoignages de femmes affectés par la problématique. Sa fréquentation, note Mme Ramoul, a monté en flèche dans la foulée de l'affaire Strauss-Kahn. Un livre tiré du site connaît par ailleurs un bon accueil en librairie.

On y trouve des anecdotes traitant de la publicité ou du sexisme existant sur le marché du travail ou ailleurs. Une internaute s'y plaignait cette semaine d'une affiche de cinéma montrant le postérieur d'une femme avec deux visages d'hommes à proximité sous le titre «Bon à tirer». Une autre affirme qu'elle s'est vu refuser l'accès à un chantier où elle devrait se rendre sous prétexte que les femmes y étaient interdites.

En politique, les mêmes réflexes machistes font que les femmes n'occupent qu'environ 20% des sièges existants à l'Assemblée nationale, souligne Mme Ramoul. Les partis placent souvent les candidates dans des circonscriptions qui sont difficiles à remporter ou préfèrent carrément payer les amendes prévues par la loi sur la parité plutôt que de se plier à ses exigences.

«Ce n'est pas l'apanage de la gauche ou de la droite. Tout le monde fait la même chose», déplore la militante, qui ne sait trop si l'exercice d'introspection en cours aura des effets durables.

«Nous, en tout cas, on va continuer à interpeller les politiques sur la question des droits des femmes», souligne-t-elle.