Avec l'annonce officielle samedi de la candidature de Vladimir Poutine à la présidentielle de mars 2012, l'avenir de la scène politique russe semble scellé jusqu'en 2024.

Ils n'étaient pas plus de 300 ou 400 opposants hier, massés place Pouchkine, en plein centre de Moscou, pour dénoncer le retour imminent de Vladimir Poutine à la présidence.

«Nous ne sommes pas beaucoup, mais même les voix les plus faibles doivent être entendues!», a lancé d'entrée de jeu l'animateur à la foule, composée de sympathisants des différents groupuscules qui forment l'opposition russe, moribonde et divisée depuis une décennie.

Durant une heure, les orateurs se sont succédé au micro, dénonçant invariablement «les voleurs et les bandits» du clan Poutine. Mais l'enthousiasme n'y était pas. Malgré les grands discours sur la «chute imminente du régime», la plupart des manifestants faisaient le même constat amer: en mars prochain, le premier ministre Vladimir Poutine et le président Dmitri Medvedev inverseront leurs rôles. Et leur contrôle absolu sur les systèmes politique et électoral leur permettra de le faire. Avec l'approbation ou non de la population.

Samedi, les deux hommes forts du pays avaient réuni 11 000 délégués et militants de leur parti Russie unie, majoritaire au Parlement, pour leur annoncer ce jeu de chaises musicales. Comme un seul homme, les membres du parti dirigé par Poutine ont entériné la décision de leurs leaders sans débat.

Idem pour la plateforme électorale en prévision des législatives de décembre: il a suffi au député Oleg Morozov de suggérer que les discours de Poutine et Medvedev, tout juste prononcés, soient transformés en programme du parti pour que son souhait soit exaucé. En un clin d'oeil, tous les débats internes menés au cours des derniers mois venaient d'être relégués aux oubliettes.

»Secret» bien gardé

Les analystes russes sont unanimes: le retour au Kremlin de Vladimir Poutine est la preuve que l'ex-président (2000-2008) est demeuré le véritable maître à bord durant ses quatre années de primature. Son fidèle allié Dmitri Medvedev, élu à la présidence grâce à son soutien en 2008, n'a pas voulu -ou n'a pas su- gagner son indépendance à l'égard de son mentor.

Fidèle à la tradition politique russe de secret, les deux têtes de la «tandemocratie» n'avaient rien laissé filtrer de leurs intentions en vue de la présidentielle jusqu'à l'annonce de samedi. Et pourtant, de leur aveu même, le scénario avait déjà été écrit en 2007 et n'avait pas changé d'un iota depuis: Dmitri Medvedev devait réchauffer le siège présidentiel pour Poutine durant quatre ans - la Constitution interdisant trois mandats consécutifs - puis lui céder sa place en 2012, non sans avoir au préalable amendé la loi fondamentale du pays pour faire passer la durée des mandats à six ans.

La suite du scénario devrait se dérouler sans anicroche: le 4 décembre, Russie unie, le parti que Poutine dirige, obtiendra de nouveau la majorité à la Douma (chambre basse du Parlement), avec Dmitri Medvedev à la tête de sa liste électorale. Après la présidentielle du 4 mars, le premier geste du président Poutine sera de nommer son prédécesseur à titre de premier ministre.

Vladimir Poutine, qui aura 59 ans dans deux semaines, pourra demeurer au Kremlin jusqu'en 2024.

Même dans la tête de plusieurs opposants, la pérennité du système Poutine ne fait guère de doute. Tellement que Iouri Melnitchouk, sympathisant du parti libéral Parnas rencontré à la manifestation de la place Pouchkine, n'a pas hésité en mai dernier à se faire tatouer «Poutine est un voleur» bien en vue sur l'avant-bras, son premier et seul tatouage. «J'espère tout de même que je vivrai assez longtemps pour voir Poutine être mis en prison, confie l'entrepreneur pétersbourgeois de 55 ans. Et je pense que ça arrivera.»