Une mosquée du nord d'Israël a été incendiée il y a quelques jours. Les policiers soupçonnent des extrémistes israéliens d'être derrière l'incident. Des actes de représailles gardent les autorités sur les dents. Notre journaliste s'est rendue sur place.

La mosquée de Touba Zangaria, village arabe du nord d'Israël, brûlait toujours lorsque Ahmed Zangaria est arrivé sur place, dans la nuit de dimanche à lundi. «Quand j'ai vu l'incendie, j'ai pleuré, a raconté l'homme de 67 ans, appuyé sur une canne. C'est tellement triste. C'est très dur pour moi, ce qui est arrivé.»

L'homme est un des membres les plus respectés de la localité, appartenant à l'une de ses deux tribus bédouines fondatrices. Rencontré cette semaine sur l'esplanade de la petite mosquée en pierres blanches, il égrenait les perles de son chapelet musulman pendant qu'une soixantaine d'hommes discutaient, certains venus d'autres villages arabes du pays pour exprimer leur soutien.

À l'intérieur de la mosquée, une pile de livres aux pages calcinées jonchaient une table. Le sol était couvert d'éclats de vitre, de morceaux de céramique fracassés et de tapis noircis. Sur les murs, des messages vengeurs en hébreu ont été laissés par les vandales, dont l'inscription «le prix à payer» et «Palmer», vraisemblablement en référence à un colon tué récemment avec son fils dans un accident, en Cisjordanie, causé par un jet de pierre palestinien.

Ce genre de message est habituellement attribué à des colons extrémistes, qui se livrent à des actes de vandalisme pour «faire payer» les Palestiniens d'une action commise par l'un des leurs ou pour se venger de l'armée ou du gouvernement israélien lorsqu'ils s'estiment lésés. Des jeunes s'en prennent alors à des biens palestiniens, déracinant des oliviers ou vandalisant des mosquées. Il est cependant rare de voir ce genre d'acte de représailles à l'extérieur des territoires palestiniens.

Un jeune Israélien a été arrêté peu après l'incendie. Selon les médias locaux, il s'agirait d'un ancien élève d'une école talmudique d'une colonie de Cisjordanie.

L'incendie a été vivement condamné par les dirigeants israéliens. Le président Shimon Pérès, notamment, s'est rendu sur place pour exprimer son soutien à la communauté d'environ 5500 personnes, seul village arabe parmi 50 localités juives du nord d'Israël, en Galilée.

Mais l'incident a ravivé les tensions entre les deux communautés. Le soir de l'incendie, quelques centaines de personnes ont manifesté, brûlant des pneus et lançant des pierres aux policiers. Ceux-ci ont répliqué avec des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes.

Mardi, une clinique et le centre du conseil régional, qui abrite le bureau du maire, ont été incendiés. Le maire de Touba Zangaria, ancien général israélien, a été nommé à ce poste par le ministre de l'Intérieur en 2008, et reste impopulaire. Il y a deux ans, son véhicule a été brûlé et des balles ont été tirées sur le bâtiment où il se trouvait.

Au lendemain de l'incendie, une équipe s'affairait à nettoyer les débris calcinés, les ordinateurs fondus et les éclats de verre. Le fonctionnaire israélien Ron Rozen, qui travaille à Touba Zangaria depuis moins de deux ans, était sur place pour constater les dégâts. «Ils ont brûlé des représentations du gouvernement israélien. Ils disent que c'est parce que le gouvernement israélien a le devoir de les protéger et ne le fait pas. Ils ne s'en prennent pas aux biens du village», a-t-il dit en montrant du doigt les demeures en pierre intactes des environs.

Bayan Hieb, étudiant de 18 ans, a déploré ce nouvel incident, qui «nuit aux gens du village». Il a participé à la manifestation après l'incendie à la mosquée, où il dit prier régulièrement. Il a critiqué la réponse du gouvernement à l'incendie - trop tiède, à son avis - et l'intervention des policiers contre les manifestants - trop musclée, selon lui. Comme beaucoup de jeunes Arabes-Israéliens, il a de la difficulté à se reconnaître dans les décisions du pays. «Même si je suis né en Israël et que j'ai la citoyenneté israélienne, ça ne veut pas dire que je suis israélien. Je suis un musulman palestinien», explique-t-il, ajoutant partager la douleur des Palestiniens dans les Territoires.

Les Arabes-Israéliens forment environ 20% de la population d'Israël, un peu plus de 1,5 million de personnes. Ces chiffres n'incluent pas les quelque 276 000 Palestiniens de Jérusalem-Est, qui doivent détenir un permis de résidence pour vivre dans la ville annexée par Israël en 1967, geste non reconnu par la communauté internationale.