Fils d'un entrepreneur saoudien multimillionnaire, Oussama ben Laden aurait pu vivre une vie de pacha. Il a choisi de mener une guerre sainte contre les croisés, d'abord soviétiques, puis américains. Sa fortune, sa ferveur islamiste et ses aptitudes guerrières combinées ont fait de lui le terroriste le plus puissant du monde. Vie et mort de l'ennemi public no 1.

Oussama ben Laden était, en partie, un produit des États-Unis.

En 1979, l'ingénieur civil de 22 ans, issu d'une riche famille saoudienne, a abandonné sa vie confortable pour aller combattre les envahisseurs soviétiques en Afghanistan. Là-bas, il a pu compter sur l'appui de la CIA, qui a joué un rôle majeur pour entraîner les moudjahiddin afghans contre les soldats russes.

Trois décennies plus tard, les États-Unis ont finalement eu raison du monstre qu'ils avaient contribué à créer.

Bien sûr, la CIA ne peut être tenue responsable des actes de ben Laden. Mais le mélange était explosif: ajoutées aux aptitudes guerrières qu'il avait acquises en Afghanistan, sa fortune et sa ferveur fondamentaliste ont fait du leader d'Al-Qaïda l'homme le plus craint de la planète.

Pour des millions de personnes, Oussama ben Laden aura été le visage du terrorisme. L'homme aux mains tachées du sang de milliers de victimes innocentes. L'homme qui aura provoqué des guerres, d'immenses souffrances et une inquiétante cassure entre l'Occident et le monde musulman.

Pour ses partisans, moins nombreux, ben Laden était au contraire un chef visionnaire, un combattant de la liberté contre Israël et les croisés américains qui imposent leurs lois en terre musulmane.

Une enfance dorée

Rien ne prédestinait Oussama ben Laden à devenir l'ennemi public no 1 des États-Unis.

Il est né le 10 mars 1957 en Arabie Saoudite, 17e des 54 enfants de Mohamed ben Laden, entrepreneur multimillionnaire qui a fait fortune en construisant des autoroutes et des palais au royaume du pétrole.

Sa mère, la 10e épouse de Mohamed, est une femme instruite qui a troqué le voile pour des tailleurs Chanel. Ses frères prennent part à des fêtes arrosées dans les capitales européennes.

De son côté, Oussama est un jeune homme timide. À la fin des années 70, il étudie en génie civil à l'Université King Abdul Aziz de Jeddah, en Arabie Saoudite.

Il fait alors une rencontre décisive: celle du professeur palestinien Abdullah Azzam, figure montante d'un nouveau mouvement islamique fondamentaliste. Quand ce dernier fonde une organisation d'aide aux moudjahiddin afghans, ben Laden en devient le principal financier grâce à sa riche famille.

En Afghanistan, ben Laden se fait rapidement connaître comme une sorte de bienfaiteur auprès des moudjahiddin.

Pendant 10 ans de guerre sanglante, il aide la résistance en utilisant l'équipement de sa famille pour construire abris, tunnels et routes dans les montagnes afghanes. Il organise des soins médicaux pour les combattants blessés. Il mène aussi des raids contre les troupes soviétiques.

Il baptise son organisation «La Base»: Al-Qaïda.

La soif de vengeance

Après la débandade soviétique en Afghanistan, en 1989, Oussama ben Laden rentre en Arabie Saoudite. Croyant être accueilli en héros, il est surpris de l'accueil glacial que lui réserve le régime saoudien.

Quand l'Irak envahit le Koweït, en août 1990, il propose de former sa propre armée de vétérans afghans pour combattre Saddam Hussein, l'impie. Mais Riyad rejette son offre pour se tourner vers les États-Unis.

À ce moment, la haine que ben Laden avait longtemps entretenue envers Moscou se tourne contre Washington.

Pendant la guerre du Golfe, 300 000 soldats américains sont basés en Arabie Saoudite. Oussama ben Laden est furieux. À ses yeux, les soldats souillent de leurs bottes la terre sainte musulmane, la terre de La Mecque et de Médine. Il se jure de venger cette profanation.

Expulsé de son propre pays en 1991, il s'installe à Khartoum, au Soudan. Il ouvre une tannerie, gère une ferme, se lance dans l'import-export. Il monte aussi à cheval, son passe-temps favori.

Mais il a toujours soif de vengeance. À Khartoum, Al-Qaïda devient un réseau terroriste en bonne et due forme.

Oussama ben Laden dirige l'organisation comme s'il s'agissait d'une multinationale, avec des franchises dans plusieurs pays. Il recrute de jeunes musulmans pour les former dans ses camps avant de les envoyer en mission meurtrière aux quatre coins du monde.

L'émergence d'Al-Qaïda

En 1996, sous la pression des États-Unis, le Soudan expulse son hôte, devenu trop encombrant. Oussama ben Laden retourne en Afghanistan, un pays dévasté cette fois par la guerre civile. Les talibans sont sur le point de prendre Kaboul.

Le chef d'Al-Qaïda met sur pied des douzaines de camps d'entraînement, où il puise des volontaires exaltés pour ses sanglants complots. En août 1998, deux bombes explosent dans les ambassades des États-Unis au Kenya et en Tanzanie, faisant 224 victimes, africaines pour la plupart.

Dès lors, ben Laden se taille une place sur la liste des Most Wanted du FBI. Sa tête est mise à prix pour 25 millions de dollars. Les États-Unis lancent 75 missiles sur ses camps afghans. Plusieurs militants sont tués, mais ben Laden s'en tire de justesse: il a fui à peine une heure avant le raid aérien.

Une traque de 10 ans

Tous se souviennent de l'endroit où ils se trouvaient quand les avions ont frappé les tours jumelles, le 11 septembre 2001.

En ce jour fatidique, Oussama ben Laden, lui, se cache dans les montagnes afghanes, écoutant les nouvelles à la radio, savourant sa victoire.

Il a intérêt à se cacher: en quelques heures, le président George W. Bush le désigne comme le responsable du plus gros massacre jamais perpétré en terre américaine.

Le président Bush somme les talibans de livrer ben Laden. En vain. Les bombes américaines ne tardent pas à tomber sur l'Afghanistan. La «guerre mondiale contre le terrorisme» est officiellement commencée.

La traque dure 10 ans.

Dix ans où le monde change. Dix ans de guerre, en Afghanistan, bien sûr, mais aussi en Irak. Dix ans d'attentats, à Bali, Londres, Madrid, Bombay et ailleurs. Dix ans durant lesquels on croit le leader d'Al-Qaïda tantôt mort, tantôt terré dans une sombre caverne.

Il habite plutôt une maison fortifiée dans la ville d'Abbottabad, à une cinquantaine de kilomètres au nord de la capitale pakistanaise, Islamabad. Et à quelques centaines de mètres d'un baraquement militaire...

Il est mort à 54 ans. Deux balles dans la tête, tirées par les forces spéciales d'un pays qu'il a tant fait souffrir. Et qui l'avait, jadis, si bien servi.

Sources: CNN, BBC, AFP, AP, Reuters et The Guardian

Oussama ben Laden en quelques dates

1957

Naissance en Arabie Saoudite.

1988

Fonde l'organisation terroriste Al-Qaïda.

1993

En février, un attentat à l'explosif au World Trade Center, à New York, fait six morts et un millier de blessés.

1996

En juin, un camion bourré d'explosifs pulvérise l'entrée de la base américaine de Khobar, en Arabie Saoudite.

1998

En août, deux bombes placées dans les ambassades des États-Unis au Kenya et en Tanzanie font 224 morts et 5000 blessés.

2000

En octobre, 17 marins américains sont tués au Yémen dans un attentat contre le destroyer américain USS Cole.

2001

Le 11 septembre, des avions s'encastrent dans le World Trade Center, à New York, et dans l'édifice du Pentagone, à Washington. Quelque 3000 personnes meurent.

2011

Oussama ben Laden est abattu par les forces spéciales américaines au Pakistan.