Il avait répété à maintes reprises qu'il ne quitterait son  poste qu'en septembre. Mais aujourd'hui, après 18 jours de manifestations, alors que des millions d'Égyptiens avaient encore envahi  les rues du Caire, la pression a finalement eu raison de l'entêtement du vieux dictateur: Hosni Moubarak, 82 ans, a démissionné.

C'est le vice-président Omar Souleimane qui l'a annoncé ce soir. Hosni Moubarak démissionne et remet ses pouvoirs au conseil supreme de l'armée, après 31 ans d'un règne sans partage sur le plus grand pays arabe.

«Compte tenu des conditions difficiles que traverse le pays, le président Mohammed Hosni Moubarak a décidé d'abandonner le poste de président de la République et chargé le conseil suprême des forces armées de gérer les affaires du pays», a déclaré M. Souleimane dans une brève allocution télévisée.

Immédiatement, dans les rues du Caire ou d'Alexandrie, une explosion de joie a accueilli l'annonce. Sur les ondes de la television Al Jazira, les commentateurs décrivent des manifestants en liesse, chantant, priant dans les rues. «Je n'ai jamais pensé que je vivrais pour vivre ce moment», a déclaré une manifestante, la gorge nouée. «Je suis si fière, si fière! Tout est possible désormais!»

«Le peuple a fait tomber le régime! le peuple a fait tomber le régime!», scandait une foule en délire sur la place Tahrir, devenue symbole du mouvement de contestation déclenché le 25 janvier contre M. Moubarak, qui a fait selon des bilans non confirmés, au moins 300 morts.

Les manifestants hurlaient de joie et agitaient des drapeaux égyptiens. Certaines personnes se sont évanouies sous le coup de l'émotion, rapporte l'AFP.

En début de journée, la nouvelle selon laquelle Hosni Moubarak avait quitté Le Caire pour la station balnéaire de Charm el-Cheikh, dans le Sinaï, avait alimenté plusieurs speculations. La démission du secrétaire general du NDP, le parti au pouvoir, avait également donné des signes d'une scission au sein de la classe dirigeante égyptienne. Hossam Badrawi, qui avait été nommé le 5 février, a déclare au réseau britannique BBC qu'il démissionnait après avoir demandé hier, sans succès, au président Moubarak de quitter le pouvoir.

Réactions

Le président américain Barack Obama a annoncé qu'il fera une déclaration à 13h30. Il «a été informé de la décision du président Moubarak de démissionner alors qu'il participait à une réunion dans le Bureau ovale», a par ailleurs indiqué un des porte-parole de la Maison Blanche, Tommy Vietor. Le président américain «a ensuite regardé les images en provenance du Caire pendant plusieurs minutes» à la télévision, selon la même source.

Ailleurs dans le monde, la démission du président Moubarak a été commentée. L'Iran a estimé que les Egyptiens avaient obtenu une «grande victoire». Israël espère que la période de transition qui s'ouvre en Egypte se fera «sans secousse», a affirmé à l'AFP un responsable gouvernemental israélien.

Le Hamas a salué la démission comme «le début de la victoire de la révolution». «Nous considérons la démission du président Moubarak comme l'annonce du début de la victoire de la révolution égyptienne à laquelle nous affirmons notre soutien dans toutes ses revendications», a déclaré à l'AFP Sami Abou Zouhri, porte-parole du Hamas à Gaza. «Nous appelons la direction égyptienne à décider immédiatement la levée du siège de Gaza et l'ouverture du terminal égyptien» à Rafah, à la frontière entre la bande de Gaza et l'Egypte, a-t-il ajouté. Des milliers de personnes sont descendues dans les rues à travers la bande de Gaza, célébrant l'événement par des tirs de joie, et des concerts de klaxons, selon des témoins et des journalistes de l'AFP.

Accrochages avec policiers

Plus de 3000 personnes étaient notamment rassemblées aux abords de la principale résidence de M. Moubarak, dans le quartier de Heliopolis, dans la périphérie du Caire, tandis que plus de 2.000 autres se trouvaient à l'extérieur du bâtiment abritant la télévision d'Etat, sur les rives du Nil. Alors que les manifestations se déroulaient le plus souvent dans le calme depuis le 3 février, une personne a été tuée et 20 blessées vendredi lors de heurts à Al-Arich, dans le Sinaï égyptien, entre manifestants et policiers, selon un responsable des services de sécurité. Le manifestant a été tué lors d'un échange de tirs entre policiers et protestataires qui tentaient de libérer des détenus dans un poste de police. Selon des témoins, un millier de manifestants ont lancé des bombes incendiaires sur le poste de police et mis le feu à des véhicules.

«Le régime ou le peuple»

Le président américain Barack Obama, dont le pays accorde à l'armée égyptienne une aide annuelle de 1,3 milliard de dollars, avait jugé insuffisant le transfert de prérogatives, alors que d'autres capitales appelaient à une transition immédiate du pouvoir.

L'armée égyptienne, colonne vertébrale du régime, s'était portée «garante» dans la matinée des réformes promises par M. Moubarak, en soulignant «la nécessité d'un retour à la vie normale».

Le conseil suprême des forces armées, dans un communiqué lu à la télévision par un présentateur, avait assuré qu'il garantirait «une élection présidentielle libre et transparente à la lumière des amendements constitutionnels décidés» et avait mis «en garde contre toute atteinte à la sécurité de la nation et des citoyens». Il avait aussi promis de mettre fin à l'état d'urgence, en vigueur depuis 1981, «dès la fin des conditions actuelles».

La foule avait réagi avec dépit aux annonces de l'armée. «Vous nous avez déçus, on avait mis tous nos espoirs en vous», a lancé un manifestant aux militaires. «Armée il faut faire un choix, le régime ou le peuple!», criaient des protestaires.

Avec AFP