Au moins 4 morts et 200 blessés. La riposte de l'armée dans le petit royaume de Bahreïn a été brutale hier pour chasser les centaines de manifestants qui campaient place de la Perle dans la capitale, Manama. Des appels au calme ont retenti un peu partout dans le monde, notamment des États-Unis qui possèdent dans l'île une importante base militaire. La dynastie sunnite, qui dirige le pays, cédera-t-elle du terrain aux demandes de sa population majoritairement chiite?

Q Pourquoi dit-on que le Bahreïn est le plus moderne des pays du golfe Persique?

R Petit royaume du golfe Persique, l'archipel du Bahreïn repose avant tout dans une île principale dont la superficie totale se compare à celle des îles de Montréal et Laval réunies. La population totale du pays est de 1 234 600 personnes, une augmentation de 90% comparé à 2001! Les expatriés, qu'ils soient de riches financiers occidentaux ou de pauvres ouvriers asiatiques, sont désormais plus nombreux que les Bahreïniens. Les chiites forment la majorité de la population. «C'est une population chaleureuse et pacifique», note Julie Jodoin, une Québécoise qui s'y est installée l'été dernier avec sa famille. Le royaume a la réputation d'être le plus moderne des pays du Golfe. «Un pays très ouvert où on a le droit de boire de l'alcool. Les femmes n'ont pas besoin d'être voilées. Les Saoudiens viennent y passer des week-ends parce que le mode de vie est plus libre. Il y a un respect des autres cultures.»

Q Qui dirige le pays?

R La dynastie sunnite des Khalifa règne depuis 1783, soit bien avant l'indépendance du pays du Royaume-Uni, en 1971. Il s'agit d'une monarchie constitutionnelle actuellement dirigée par le roi Hamad ben Issa Al-Khalifa, 61 ans. L'oncle du roi est premier ministre depuis l'indépendance. Le Parlement élu a été rétabli en 2001 après plus de 25 ans d'interruption. L'opposition chiite détient depuis l'automne dernier 18 des 40 sièges de la Chambre basse et réclame de nouvelles réformes constitutionnelles.

Q Qui sont les manifestants?

R Surtout des musulmans chiites qui réclament «le principe d'une alternance pacifique au pouvoir». Hier, le ministre bahreïni des Affaires étrangères a justifié l'intervention policière par la nécessité d'empêcher un «conflit confessionnel et une crise économique».

Q Que s'est-il passé hier?

R Après trois jours de manifestations, les autorités ont entrepris de chasser les opposants de la place de la Perle. Les dépêches publiées hier témoignaient de la violence de la riposte. Selon le reporter d'Associated Press, un ambulancier a été battu par la police parce qu'il tenait à se rendre place de la Perle pour porter secours aux centaines de blessés. «J'ai dû faire demi-tour, ils nous ont menacés et accusés de sympathiser avec les manifestants», a-t-il raconté. La salle des urgences du principal hôpital de la ville était remplie de manifestants souffrant de blessures à la tête, de membres brisés, de marques de coups. «Nous n'avons jamais été autant en colère», a déclaré Makki Abu Taki, dont le fils Mahmoud a été tué hier «Nous descendrons dans les rues en plus grand nombre encore pour rendre hommage à nos martyrs. Le temps des Khalifa est terminé.»

Q Comment a réagi la communauté internationale?

R Le Conseil de coopération du Golfe (Bahreïn, Arabie Saoudite, Émirats arabes unis, Oman, Qatar, Koweït) a affirmé son «soutien total à Bahreïn». «Notre sécurité est une responsabilité collective et il n'est pas question d'accepter les ingérences étrangères», a-t-il déclaré. Les «étrangers» ont cependant été unanimes pour dénoncer la violence usée contre les manifestants. «Nous appelons le gouvernement à la retenue afin qu'il respecte sa promesse de tenir responsables ceux qui ont eu recours à une force excessive contre des manifestants pacifiques», ont déclaré les États-Unis, pour qui Barheïn est d'une importance stratégique. La Ve flotte y est basée pour surveiller les routes maritimes empruntées par les pétroliers, pour soutenir les opérations en Afghanistan et pour contrer une éventuelle menace iranienne.

Q La saison de course de Formule 1 doit débuter le 13 mars, à Bahreïn. La tenue de la course est-elle compromise?

R «La semaine prochaine nous prendrons une décision et nous déciderons de ce que nous ferons», a indiqué hier Bernie Ecclestone, grand argentier de la F1, à l'agence britannique Press Association. «Nous allons garder un oeil sur la situation et prendre une décision rapidement.»

Situation géographique: formé de 35 îles, l'archipel de Bahreïn est situé dans le centre-ouest du Golfe, à l'est des côtes de l'Arabie Saoudite.

Superficie : 741 km2

Population: 1,234 million d'habitants dont 54% d'étrangers, en majorité asiatiques.

Capitale : Manama (290 000 habitants).

Langues : arabe (officielle) et anglais.

Religion: la population autochtone est formée de 40% de sunnites et de 60% de chiites (estimations non officielles). C'est le seul pays arabe du Golfe où les chiites sont majoritaires.