La Suisse a décidé jeudi de geler «avec effet immédiat» les avoirs que pourraient détenir dans la Confédération le colonel libyen Mouammar Kadhafi et son entourage, a indiqué le gouvernement helvétique.

«Pour éviter toute utilisation abusive de fonds publics (libyens, ndlr), le Conseil fédéral (gouvernement, ndlr) a décidé aujourd'hui de geler avec effet immédiat tous les éventuels avoirs de Mouammar Kadhafi et son environnement en Suisse», annonce le ministère helvétique des Affaires étrangères dans un communiqué.

Cette décision est destinée à «éviter tout risque de détournement de biens libyens qui seraient encore en Suisse», a-t-il ajouté.

Elle prend «effet aujourd'hui et est valable pendant trois ans», précisent les autorités qui condamnent les violences en Libye. Ces dernières ont fait au moins 640 morts, selon la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH), et 300 selon les autorités libyennes.

Les relations entre Berne et Tripoli se sont tendues depuis 2009 dans le cadre de l'affaire des deux Suisses retenus pendant plusieurs mois en Libye suite à la détention à Genève du fils du dirigeant libyen, Hannibal Kadhafi.

Cette affaire a provoqué une grave crise diplomatique entre les deux pays. Tripoli avait ainsi pris des sanctions économiques à l'encontre de la Confédération et annoncé le retrait de fonds dans les banques suisses.

Le 13 juin 2010 un «plan d'action» sous l'égide de l'Union européenne avait toutefois été signé entre les deux capitales, ouvrant la voie à une normalisation de leurs relations.

Ce plan d'action prévoit notamment la constitution d'un tribunal arbitral siégeant à Berlin. Au vu des évènements en Libye, le gouvernement suisse a suspendu le 21 février «les travaux préparatoires à la constitution» du tribunal, qui était pourtant une «condition» que Berne» avait dû accepter pour que les deux otages suisses puissent quitter la Libye».

Les engagements des banques suisses envers la Libye - il s'agit d'une estimation globale des fonds libyens - à la fin 2009 atteignaient 818 millions de francs suisses (640,3 millions d'euros, environ 870 millions$ CAN), «613 millions de francs en engagements normaux et 205 millions de francs en engagements au cadre des opérations fiduciaires», selon les données de la Banque Nationale Suisse interrogée jeudi par l'AFP.

Fin 2007, ces fonds s'élevaient à 6,56 milliards de francs (5,13 milliards d'euros), soit «5,74 milliards de francs en engagements normaux et 812 millions de francs en engagements au cadre des opérations fiduciaires».

La Suisse avait déjà décidé en janvier de geler les avoirs que le président tunisien déchu Zine El Abidine Ben Ali et le chef d'Etat sortant ivoirien Laurent Gbagbo ainsi que leur entourage pourraient détenir dans la Confédération.

En février, elle avait également décidé de geler les éventuels avoirs du président égyptien démissionnaire Hosni Moubarak et son entourage.

Pour la Côte d'Ivoire et la Tunisie, ces décisions ont été prises car la Suisse soupçonne fortement l'existence de tels fonds. Sur l'Egypte et la Libye, la Suisse n'a pas donné de précision dans ses communiqués.