Des soldats yéménites ont tiré des balles de caoutchouc et des gaz lacrymogènes, mardi, contre les milliers d'étudiants qui campent sur le campus de l'université de Sanaa pour exiger la démission du président Ali Abdullah Saleh, faisant au moins 98 blessés, selon des responsables.

L'armée a donné l'assaut sur le campus de l'université quelques heures après que des milliers de prisonniers eurent déclenché une émeute dans une prison de la capitale, prenant une dizaine de gardiens en otages tout en appelant à la démission du président Saleh. Au moins un prisonnier a été tué et 80 personnes ont été blessées pendant que les gardes tentaient de reprendre le contrôle de la situation, selon la police.

Le Yémen est touché depuis plusieurs semaines par des manifestations anti-gouvernementales inspirées par les récents soulèvements en Égypte et en Tunisie. Ali Abdullah Saleh, un allié clé des États-Unis dans la lutte contre Al-Qaïda, est au pouvoir depuis 32 ans. Signe que les manifestations prennent de l'ampleur au Yémen, des graffitis appelant à la démission du président sont apparus mardi dans son village natal, Sanhan, pour la première fois depuis le début des manifestations.

Les étudiants de l'université de Sanaa campent sur le terrain de l'établissement depuis la mi-février, peu après le début des manifestations appelant à la démission du président.

Des responsables médicaux ont affirmé que plusieurs des 98 personnes blessées étaient dans un état grave. Ces responsables ont requis l'anonymat puisqu'ils n'étaient pas autorisés à diffuser l'information aux médias.

Des témoins ont rapporté avoir vu des véhicules blindés et des véhicules de transport de troupes se diriger vers la zone de l'université.

«C'est un massacre», a dit un porte-parole de l'opposition, Muhammad Qahtan. «C'est un crime des troupes de sécurité contre les étudiants engagés dans un sit-in pacifique.»

Les manifestations se sont également poursuivies ailleurs dans le pays. Dans la ville portuaire d'Aden, dans le sud du pays, de nombreuses femmes se sont jointes aux manifestants après qu'un jeune protestataire eut été grièvement blessé par une balle reçue dans la tête lors d'une manifestation tenue la veille au même endroit.

Des dizaines de milliers de manifestants sont également descendus dans les rues de la province d'Ibb, appelant le gouvernement à traduire en justice les responsables des attaques meurtrières de dimanche. Des militants de l'opposition ont blâmé des «hommes de main du gouvernement» pour l'attaque contre les manifestants, qui a fait un mort et 53 blessés.

Dans une tentative de calmer la colère populaire, le président Saleh a appelé à la tenue d'un dialogue national après avoir eu des entretiens, lundi, avec de hauts responsables politiques et de la sécurité du pays. L'agence de presse officielle a indiqué que la conférence aurait lieu jeudi et qu'elle comprendrait des milliers de représentants de la scène politique yéménite.

Mais le leader de l'opposition, Yassin Said Numan, a affirmé qu'il n'y aurait aucun dialogue jusqu'à ce que le président Saleh accepte de démissionner d'ici la fin de l'année.

L'émeute dans la prison a éclaté lundi soir, quand des prisonniers ont incendié des matelas, occupé la cour de la prison et pris une dizaine de gardiens en otage, selon un responsable de la sécurité ayant requis l'anonymat.

Les gardiens ont fait usage de gaz lacrymogènes et ont tiré en l'air pour rétablir le calme, mais n'y sont pas parvenus, d'après ce responsable. La révolte des prisonniers était toujours en cours mardi après-midi, a-t-il précisé.

Des personnes vivant près de la prison ont affirmé avoir entendu des tirs et des explosions et ont indiqué que l'armée avait appelé des troupes en renfort.

Abdelrahman Burman, un avocat à la tête de l'organisation de défense des droits de l'homme Sajin, a affirmé qu'au moins un détenu avait été tué et que plus de 80 personnes avaient été blessées, dont 20 policiers et gardiens de prison.

Il a précisé qu'environ la moitié des blessés l'avaient été par balles, les autres souffrant de problèmes respiratoires causés par les gaz lacrymogènes.

Un responsable de la police a confirmé ces chiffres sous le couvert de l'anonymat.