Pour le soldat, quel que soit son rang, l'objectif doit être clair, unique - c'est-à-dire qu'il ne doit pas entrer en compétition avec d'autres - et atteignable. La Ligue arabe et d'autres s'interrogent sur les objectifs réels de l'opération Aube de l'odyssée. Pour le général Carter Ham, rien n'est plus clair, comme il l'a affirmé hier au cours de la première conférence de presse qu'il a donnée à titre de commandant de la coalition aéronavale dirigée, pour l'instant, par les États-Unis.

«Notre mission est de protéger les civils libyens», a répété le chef de l'Africa Command, qui parlait de son quartier général de Stuttgart, en Allemagne, dans une conférence diffusée en direct par les grandes chaînes.

Depuis trois semaines, l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye faisait la manchette. Pour empêcher Kadhafi d'utiliser son aviation contre son propre peuple... Or les premières frappes, samedi, ont prouvé qu'une no-fly zone ne constitue que l'un des moyens mis en oeuvre pour protéger les civils libyens contre les forces de Kadhafi, qu'elles soient aériennes, navales ou terrestres. Les premières cibles touchées par les Rafale français, partis de Corse, étaient des chars d'assaut et des pièces d'artillerie légère déployés autour de Benghazi, berceau de l'insurrection, que Kadhafi veut reprendre à tout prix. Rien à voir avec quelque NFZ...

«Autour de cette ville, les forces du régime n'ont plus les moyens ni la volonté de combattre», a soutenu le général Ham avant d'affirmer du même souffle que «la mission n'est pas d'aider les forces de la soi-disant opposition». Laquelle, par ailleurs, compte en ses rangs des civils qu'il faut aussi protéger, a admis le général.

La no-fly zone vise le contrôle total de l'espace aérien libyen par l'aviation coalisée. Quelques-unes des «conditions nécessaires« à cette domination ont été réunies, selon les porte-parole officiels: plusieurs stations de détection radar ont été détruites de même que la plupart des positions de tir antiaérien; le régime disposerait toutefois de quelques batteries mobiles de missiles sol-air.

Plusieurs bases aériennes ont été bombardées soit par les appareils des US Marines, soit par les chasseurs-bombardiers Tornado venus d'Angleterre - 3000 milles aller-retour -, soit avec des missiles de croisière Tomahawk lancés de destroyers ou de sous-marins américains en Méditerranée. Des 124 qui ont été lancés, 1 aurait touché un édifice dans l'enceinte occupée par Kadhafi et son état-major, au centre de Tripoli. Les leaders de la coalition répètent que le colonel n'est pas visé personnellement mais que tous les postes de commandement comptent au nombre des cibles. L'état-major britannique aimerait que le premier ministre précise...

Les Américains, eux, ont déjà annoncé qu'ils amorçaient une phase de surveillance pendant qu'ils se préparent à céder la direction de l'opération à l'OTAN. Dans les états-majors pendant ce temps, à Londres et à Paris, à Ottawa aussi, des centaines d'officiers essayent d'analyser l'impact de cette première vague de frappes.

Sur Kadhafi d'abord, qui sait qu'un Tomahawk ou quelque autre engin destructeur peut, à tout moment, être lancé sur tout lieu pouvant être considéré comme un poste de commandement. Et il est le commandant suprême... Comment son entourage réagira-t-il au su du même danger? Plus bas dans la hiérarchie, la spectaculaire démonstration du week-end peut aussi amener les commandants et les troupes sur le terrain à revoir les raisons de leur fidélité au régime.

Les insurgés, eux, après les moments d'allégresse autour des carcasses fumantes de chars, ont encore tout à faire. S'organiser, s'armer, s'entraîner pour monter à l'assaut de villes comme Misrata, où, dans l'étroitesse des ruelles, aucun Mirage ni aucun CF-18 ne pourra leur venir en aide.

Après, il restera toujours l'objectif final, simple et atteignable en théorie: Tripoli.