Deux photographes de guerre, Tim Hetherington, collaborateur britannique du magazine américain Vanity Fair, et l'Américain Chris Hondros, de l'agence Getty, ont été tués mercredi en Libye par un tir de mortier, mettant en évidence le danger de ce conflit pour la presse.

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Deux autres journalistes ont été blessé lors de l'incident.

Après deux mois de conflit entre les forces pro-Kadhafi et la rébellion, trois journalistes sont morts, plus d'une dizaine ont été détenus ou d'autres sont portés disparus.

Tim Hetherington et Chris Hondros, tous deux âgés de 41 ans, ont été victimes d'un tir de mortier à Misrata, grande ville de l'ouest de la Libye assiégée depuis plusieurs semaines par les forces du colonel Mouammar Kadhafi.

Un caméraman d'Al-Jazira, Ali Hassan Al Jaber, avait été tué et un autre journaliste de la chaîne de télévision blessé le 12 mars dans une embuscade près de Benghazi.

Né à Liverpool, en Grande-Bretagne, Tim Hetherington avait couvert de nombreux conflits au cours des dix dernières années et remporté plusieurs prix prestigieux, notamment le World Press Photo Award en 2007 pour ses photos des soldats américains en Afghanistan. Il avait ensuite réalisé sur ce sujet le documentaire Restrepo, nommé aux Oscars.

Blessé à la tête, Chris Hondros est décédé quelques heures après. Mercredi, une photo qu'il avait réalisée faisait la Une du Washington Post. On y voit un fossoyeur en train de creuser une tombe dans un cimetière de Misrata. Chris Hondros avait notamment couvert les conflits du Kosovo, de l'Angola, de la Sierra Leone, de l'Afghanistan ou d'Irak. Sélectionné pour le prix Pulitzer, il avait remporté en 2006 la médaille d'Or Robert Capa pour son «courage et son initiative exceptionnels» en Irak.

Deux autres photographes ont été blessés mercredi: le Britannique Guy Martin, photographe freelance travaillant pour l'agence Panos, selon le ministère britannique des Affaires étrangères et Panos, et l'Américain Michael Brown, qui travaillait pour Corbis, selon son directeur de la Communication, Dan Perlet.

A l'annonce de l'incident, la Maison Blanche a salué «les journalistes (qui), à travers le monde, risquent leur vie chaque jour pour nous informer, demander des comptes aux dirigeants et donner la parole à tous ceux que personne n'entend».

Tiziana Prezzo, journaliste italienne de la chaîne Sky TG24, avait rencontré Tim Hetherington il y a deux jours à Misrata. «C'était quelqu'un de très responsable», a-t-elle dit à l'AFP.

«Les deux jours précédents avaient été terribles. Nous avons vu énormément de gens arrivant à l'hôpital, blessés ou mort, même de petits enfants. Je lui ai dit: "fais très attention car on n'est en sûreté nulle part"», a-t-elle ajouté.

Plusieurs grands médias internationaux avaient interdit à leurs reporters de se rendre à Misrata en raison des risques trop importants, avant d'alléger leurs restrictions. Des dizaines de journalistes sont arrivés mercredi après-midi par bateau de Benghazi, fief de la rébellion à l'est.

La situation est périlleuse également dans l'axe Ajdabiya-Brega, autre zone de combats entre rebelles et forces pro-Kadhafi dans l'est du pays. Une pluie de roquettes dimanche vers Ajdabiya avait forcé les journalistes à se replier à l'extérieur de la ville.

Outre les dangers des combats, il y a aussi les disparitions. Le sort d'un journaliste britannique d'Al-Jazira, Kamel Ataloua, demeure inconnu. Trois collègues de la chaîne, un Tunisien, un Mauritanien et un Norvégien, arrêtés en même temps que lui le 7 mars dans l'ouest du pays, ont été libérés.

Quatre journalistes, deux Américains travaillant pour des journaux en ligne, un Espagnol et un Sud-Africain, l'un et l'autre photographes, ont disparu le 4 avril. Le gouvernement libyen a affirmé qu'ils étaient détenus et seraient libérés, mais la Maison Blanche a déclaré mardi que les Américains étaient «très inquiets» à leur sujet.

Le porte-parole du Conseil national de transition (CNT), organe officiel de la rébellion, Abdelhafiz Ghoqa, a indiqué mercredi soir que six journalistes libyens étaient aussi entre les mains de Kadhafi.

Photo: AP

Chris Hondros