Trois mois après l'éclatement de la révolte en Libye, le procureur de la Cour pénale internationale Luis Moreno-Ocampo a demandé lundi aux juges de délivrer des mandats d'arrêt pour crimes contre l'humanité contre le dirigeant libyen Moummar Kadhafi, son fils Seif Al-Islam et le chef des renseignements libyens Abdallah Al-Senoussi.

«Sur la base des preuves recueillies, le bureau du procureur a demandé à la chambre préliminaire 1 de délivrer des mandats d'arrêt contre Mouammar Kadhafi, Seif Al-Islam et Abdallah Al-Senoussi», a déclaré M. Moreno-Ocampo, lors d'une conférence de presse à La Haye, où siège la CPI.

«Nous pensons qu'ils sont les plus responsables», a ajouté M. Moreno-Ocampo précisant que si les juges accèdent à sa demande, les autorités libyennes auront selon lui «l'obligation» d'exécuter les mandats d'arrêt.

Les juges de la CPI peuvent décider d'accepter la demande, la rejeter ou demander au bureau du procureur des informations supplémentaires.

«Les preuves recueillies montrent que Mouammar Khadafi a personnellement commandé des attaques contre des civils libyens non armés», a affirmé le procureur argentin.

«Son fils Seif Al-Islam est le Premier ministre de facto», a-t-il poursuivi: «Abdallah Al-Senoussi est son bras droit et il a personnellement ordonné certaines attaques».

Le Conseil de sécurité des Nations unies avait saisi le procureur de la CPI concernant la situation en Libye le 26 février, soit deux semaines seulement après le début de la révolte dans ce pays.

Concernant les crimes commis au Darfour, le Conseil de sécurité avait saisi le procureur de la CPI deux ans après le début du conflit armé dans cette région du Soudan, en mars 2005.

Et les juges avaient mis huit mois à délivrer un mandat d'arrêt contre le président soudanais Omar el-Béchir, demandé par le procureur en juillet 2008, qui est toujours en fonction.

«Nous avons des éléments de preuve solides, c'est vraiment solide», a assuré M. Moreno-Ocampo: «nous avons énormément de preuves directes, nous sommes pratiquement prêts pour aller au procès».

Trente missions dans onze pays ont été menées par ses services dans le cadre de l'enquête ouverte le 3 mars. Plus de 1.200 documents ont été examinés, dont des vidéos et des photographies, et plus de 50 entretiens, dont certains avec des témoins oculaires, ont été menés.

Le bureau du procureur n'a toutefois entendu aucun témoin en Libye durant l'enquête, qui visait huit personnes au total dont le colonel Kadhafi et trois de ses fils, afin de ne pas mettre de témoin en danger.

Une équipe de cinq membres du bureau du procureur a finalisé dimanche un document de 74 pages contenant les détails du dossier présenté pour la requête de mandats d'arrêt.

Des allégations de crimes de guerre, dont des viols et attaques commis en Libye depuis la fin février, feront l'objet d'une autre enquête.

Trois mois après le début de la révolte qui a fait des milliers de morts selon le procureur de la CPI, et poussé près de 750.000 personnes à fuir, selon l'ONU, le colonel Kadhafi est toujours au pouvoir, qu'il occupe depuis 42 ans, et la Libye n'entrevoit pas la fin du conflit qui la déchire.

La CPI est le premier tribunal permanent chargé de poursuivre des auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide commis depuis 2002.