Le gouvernement français, qui faisait figure de faucon dans le dossier libyen jusqu'à maintenant, met de l'eau dans son vin en évoquant un scénario de sortie de crise pouvant permettre à Mouammar Kadhafi de rester au pays «avec un autre titre».

L'évolution de la position française a été explicitée dimanche en entrevue à la chaîne BFM-TV par le ministre de la Défense, Gérard Longuet, qui appelle de ses voeux l'ouverture d'un dialogue formel entre régime et rebelles.

«On s'arrête de bombarder dès que les Libyens parlent entre eux et que les militaires de tous bords rentrent dans leur caserne. Ils doivent parler entre eux parce qu'on amène la démonstration qu'il n'y a pas de solution de force», a-t-il déclaré.

«Nous avons arrêté la main qui frappe. Il va falloir se mettre maintenant autour d'une table», a souligné M. Longuet.

Les rebelles, représentés par le Conseil national de transition (CNT), ont toujours refusé de négocier tant que Mouammar Kadhafi demeurait au pouvoir. Le ministre de la Défense français pense que ce dialogue peut aller de l'avant si le potentat est «dans une autre aile de son palais, avec un autre titre».

Le ministre des Affaires étrangères français, Alain Juppé, a annoncé pour sa part, à l'issue d'une rencontre avec des représentants de l'Union africaine en Éthiopie, que le départ du pouvoir du dirigeant libyen demeurait un objectif-clé de la campagne française.

«Même s'ils ne le disent pas ouvertement, la majorité des pays africains ont compris que Kadhafi doit s'écarter du pouvoir. La question n'est pas de savoir s'il doit partir, mais quand et comment [...]. En Libye même, à condition qu'il abandonne toute activité politique? Au dehors, avec des garanties? Je n'ai pas la réponse, mais l'Union africaine y travaille», a déclaré M. Juppé.

Le ministre, qui semblait vouloir baliser l'intervention de Gérard Longuet, a insisté sur le fait que «toute solution politique passe par le retrait de Kadhafi du pouvoir et le renoncement à tout rôle politique».

Le ministère des Affaires étrangères a assuré par ailleurs qu'il était faux de prétendre que la France négociait directement avec Tripoli, comme le prétend un fils du dirigeant libyen dans une nouvelle entrevue à un journal algérien.

L'évolution française sur le sort de Mouammar Kadhafi risque d'être mal reçue par les autres pays de l'OTAN, y compris le Canada, qui bombardent les positions du régime depuis la mi-mars.

Le département d'État américain a d'ailleurs rapidement réagi à l'intervention de Gérard Longuet, relevant par communiqué que les États-Unis restaient «fermes dans [leur] conviction que Kadhafi ne peut pas rester au pouvoir».

Ces développements surviennent alors que l'Assemblée nationale doit débattre aujourd'hui à Paris de l'opportunité de prolonger ou non l'intervention militaire du pays en Libye. Le vote ne devrait pas poser problème au gouvernement puisque les principales formations politiques sont favorables à l'intervention.

Martine Aubry, qui espère représenter le Parti socialiste à la prochaine élection présidentielle, a déclaré dimanche dans une entrevue au quotidien Libération que l'action française devait se poursuivre. «Il n'y aura de solution stable et de paix qu'avec le départ de Kadhafi», a-t-elle déclaré.