«Je souhaite vivre en France en paix», explique Hassan: le jeune Libyen de 25 ans a fui son pays en guerre et trouvé refuge à Calais, sur les bords de la Manche, comme plusieurs de ses compatriotes, dans l'espoir de se reconstruire.

Après avoir pensé rallier la toute proche Angleterre, il s'est ravisé sur les conseils de l'antenne locale du HCR (agence des Nations unies pour les réfugiés) et a entamé des démarches pour demander l'asile en France.

Ce jeune homme chétif à la peau d'ébène raconte calmement avoir fui la Libye après avoir été enrôlé de force dans l'armée du colonel Kadhafi, aux prises avec une insurrection depuis six mois et attaquée depuis mars par les avions de l'OTAN. «Je suis contre la guerre, contre tuer des innocents», explique-t-il.

Lorsque la compagnie pétrolière britannique qui l'employait comme ingénieur a été attaquée par «des jeunes ou des rebelles libyens», il a dû ramener un des véhicules de l'entreprise à Tripoli. Il a alors été contrôlé par l'armée, «présente partout», puis enrôlé contre son gré.

Quelques semaines plus tard, il a profité d'une permission pour déserter et embarquer clandestinement pour les côtes italiennes, d'où il a rejoint Rome, puis Marseille, Lyon et enfin Lille, en train.

«Si j'avais refusé de rejoindre l'armée, je serais sous terre. On ne peut pas dire: "non, je n'irai pas dans l'armée de Kadhafi, c'est impossible"», dit-il. «Je n'aurais jamais imaginé quitter mon pays un jour. Je déteste Kadhafi, mais comme tout le monde, je m'étais un peu habitué à la situation».

Hébergé depuis quelques semaines dans un foyer à Lens, il regarde, dubitatif, une pelleteuse éventrer les vestiges de l'usine désaffectée qui a été son premier refuge à Calais. Ce squat baptisé «African house» par les dizaines de migrants de passage sera bientôt un quartier d'habitations.

Pression policière

En raison du manque de places en hébergement d'urgence, de nombreux migrants sont sans domicile fixe, contrairement à Hassan, et subissent «une pression policière importante avec des contrôles répétés de leur identité», rappelle Mathilde Tiberghien, du HCR.

«J'ai vécu toute ma vie illégalement, la police me suit partout, j'espère trouver une solution», confie d'ailleurs Idriss, 30 ans. Il a également fui la Libye, mais avant la guerre, en raison de son opposition au régime. Comme Hassan, il a déposé une demande d'asile.

Il se souvient d'une manifestation à Londres où il vivait encore il y a quelques mois. «Nous avons essayé d'écraser l'ambassade libyenne, mais nous avons été repoussés par les policiers britanniques. Au vu de la répression, on ne pouvait pas agir dans la demi-mesure», s'excuse-t-il presque.

Il est alors contrôlé, et, sans papiers, renvoyé vers la France. Il dit qu'il souhaitait retourner chez lui, ne serait-ce que pour avoir des nouvelles de sa famille, dont il ne savait même pas si elle avait survécu, mais les autorités britanniques ont refusé de le renvoyer en Libye: «Trop dangereux».

Pour lui, «la guerre de l'OTAN est insuffisante: tant qu'il n'y aura pas d'opération à terre, ça ne pourra pas marcher».

En attendant que la situation se stabilise, il a décidé de se reconstruire en France, où il se verrait bien reprendre ses études de journalisme.

Hassan, lui, espère apprendre le français et obtenir le statut de réfugié, pour amener sa femme, restée au pays.