Les heures sont comptées pour le régime de Mouammar Kadhafi. Les rebelles de l'Ouest libyen ont pénétré dimanche dans la capitale Tripoli. Un autre dur coup a été donné au régime lorsque les révolutionnaires ont annoncé l'arrestation du fils du dirigeant libyen, Saïf al-Islam Kadhafi, pressenti comme son éventuel successeur et lui aussi visé par un mandat d'arrêt par la Cour pénale internationale.

«L'arrestation de Saïf al-Islam, son deuxième fils arrêté, a été un coup fatal pour le régime. Les insurgés semblent d'ailleurs être à la traque d'un troisième fils. On a vraiment des indices majeurs comme quoi ce sont les dernières heures du régime», confirme Sami Aoun, spécialiste du Moyen-Orient et professeur à l'Université de Sherbrooke.

Les rebelles ont finalement arrêté un autre fils de Kadhafi, Mohamed, ont-ils indiqué plus tard dans la nuit.

M. Aoun croit que la capture de Kadhafi est maintenant une question d'heures. «Il faut voir si l'OTAN va mener des bombardements plus intenses sur Bab Al Azizah, le fief qui protège Kadhafi, là où il se cache sûrement».

Les États-Unis, la France et l'Italie ont ajouté leurs voix à celle des civils demandant à Kadhafi de quitter le pouvoir. Ce dernier s'est tout de même entêté et a déclaré qu'il sortirait «victorieux» de la bataille de Tripoli. Dans un troisième message sonore diffusé à la télévision en 24 heures, le dirigeant libyen a appelé ses partisans à «sortir maintenant pour nettoyer la capitale», affirmant qu'il n'y avait «pas de place pour les agents du colonialisme à Tripoli et en Libye». Plus tôt, il déclarait: «Je crains, si vous les laissez, qu'ils aillent détruire Tripoli. Comment pouvez-vous tolérer qu'elle soit détruite et enflammée. Il faut monter à Tripoli pour la défendre et la protéger.»

Étant donné la résistance du dirigeant libyen, M. Aoun n'écarte aucun scénario dans les heures et les jours à venir. «Par exemple, il pourrait lancer des missiles et des produits chimiques, du gaz ou de la moutarde. À ce moment, ce serait suicidaire et apocalyptique. Mais l'autre scénario possible, c'est qu'on le capture ou qu'il se rende lui-même. Ensuite, il ira devant le tribunal pénal».

De son côté, l'un des principaux responsables du Conseil national de transition - gouvernement créé par l'opposition - a demandé aux Libyens de s'abstenir de toute vengeance. «Aujourd'hui que nous célébrons la victoire, j'en appelle à votre conscience et à votre responsabilité: ne vous vengez pas, ne pillez pas, ne vous en prenez pas aux étrangers et respectez les prisonniers», a déclaré Mahmoud Jibril, dans une allocution officielle à la télévision rebelle Libya al-Ahrar.

Sang sur fond de musique

À son arrivée dans la capitale libyenne, le convoi des insurgés a été accueilli par des dizaines de milliers de civils chantant, dansant et tapant des mains. La télévision britannique Sky News a diffusé des images montrant une foule d'hommes en liesse, agitant des drapeaux rouge, noir et vert, aux couleurs de la rébellion, dansant, et scandant «Allah Akbar» («Dieu est grand»). À Benghazi, fief des rebelles, une foule en délire criait des «Bye Bye le frisé!».

Malgré l'euphorie, devant l'hôtel Rixos où logent les journalistes étrangers, de violents affrontements ont éclaté en soirée. Des hommes fidèles au régime postés devant l'établissement ont tiré avec leur kalachnikov probablement en direction des rebelles.

Selon un représentant du gouvernement, les combats de la nuit ont fait 376 morts et un millier de blessés.

Une page d'histoire

Une page d'histoire est en train de s'écrire, mais le spécialiste du Moyen-Orient, Houchang Hassan-Yari, ne prévoit pas que la transition se fera facilement. «Petit à petit, le Conseil national de transition va contrôler la situation. Et par la suite, le danger le plus important, ce sera de voir comment les révolutionnaires vont se comporter. C'est la question la plus importante à mon avis.»

«Et s'il y a une bonne nouvelle, c'est que les pays membres de l'OTAN vont continuer à s'intéresser à la situation libyenne et ne vont pas lâcher le pays. C'est un pays qui a énormément de ressources pétrolières, mais c'est aussi un pays qui est dévasté.»

Avec CNN, Reuters, AFP