Le régime syrien est resté inflexible en ignorant, vendredi, un nouvel ultimatum de la Ligue arabe de cesser la répression sous peine de sanctions économiques, ses forces tentant toujours de mater dans le sang des milliers de manifestants, dont six ont été encore tués.

À New York, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon s'est dit «prêt» à aider la Ligue arabe dans sa tentative de trouver une solution à la crise en Syrie, après une demande en ce sens de l'organisation panarabe, la première du genre.

En soirée, la télévision officielle syrienne a affirmé que les forces de sécurité avaient tué seize membres d'un «groupe terroriste» à Homs (centre), et arrêté des dizaines d'autres en saisissant une grande quantité d'armes, sans préciser la date de l'opération.

Depuis le début de la révolte populaire le 15 mars, le régime du président Bachar al-Assad ne reconnaît pas l'ampleur de la contestation et attribue à des «gangs terroristes» les violences contre les civils en affirmant de chercher à les neutraliser.

Alors que l'ultimatum arabe expirait, des milliers de Syriens ont manifesté pour dénoncer le régime et apporter leur soutien aux militaires dissidents qui ont multiplié les attaques meurtrières ces dernières semaines contre l'armée régulière.

«Nous n'avons toujours aucune réponse du gouvernement syrien», a déclaré un diplomate arabe après l'expiration de l'ultimatum, le deuxième en une semaine lancé au régime du président Bachar al-Assad pour cesser la répression de la révolte populaire qui a fait selon l'ONU plus de 3500 morts depuis la mi-mars.

Réunis jeudi au Caire, les ministres arabes des Affaires étrangères avaient donné moins de 24 heures à Damas pour accepter l'envoi d'observateurs chargés de superviser la mise en oeuvre d'un plan de sortie de crise.

Les ministres arabes des Finances doivent désormais se réunir samedi dans la capitale égyptienne pour discuter d'éventuelles sanctions économiques, qui seraient soumises dimanche aux ministres des Affaires étrangères.

Ces derniers devront coordonner leur riposte au «silence» de la Syrie, a estimé le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, qui participera à la réunion.

«Si la Syrie n'avait rien à cacher (...), on aurait pu s'attendre à ce qu'elle dise oui à ces observateurs. Son silence renforce les inquiétudes sur la situation humanitaire et les soupçons sur ce qui se passe», a ajouté M. Davutoglu, dont le pays a appelé au départ de M. Assad.

Alors que l'économie syrienne est déjà affectée par les sanctions européennes et américaines, des mesures de rétorsion arabes risqueraient d'étouffer la Syrie, dont la moitié des exportations et près d'un quart des importations se font avec les pays arabes.

Longtemps réticente à toute internationalisation de la crise, la Ligue arabe, qui a déjà suspendu la Syrie, a décidé d'appeler l'ONU à «prendre les mesures nécessaires pour appuyer» ses efforts.

Au siège de l'ONU, M. Ban est «très inquiet de l'escalade et du bilan croissant des morts» et il est prêt à aider la Ligue arabe, a déclaré son porte-parole. Selon des diplomates, la Ligue arabe pourrait demander que des experts de l'ONU participent à une éventuelle mission d'observateurs en Syrie.

Malgré son isolement croissant, le régime Assad peut toujours se targuer du soutien appuyé de Moscou, qui a répété vendredi son rejet «de résolutions, de sanctions ou de pressions» et prôné avant tout «un dialogue intersyrien».

Mais sur le terrain, des milliers de Syriens sont descendus dans la rue pour crier de nouveau leur hostilité au président Assad.

Comme tous les vendredis, les Syriens ont défilé après la prière hebdomadaire, en particulier dans les provinces de Homs (centre), Idleb (nord-ouest) et Deraa (sud), ainsi qu'à Deir Ezzor, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Les forces de sécurité ont encore tiré pour disperser la foule, tout en poursuivant leurs opérations de ratissage. Selon l'OSDH, elles ont tué au moins six civils: trois à Homs, un à Deir Ezzor, un à Jassem (sud) et un adolescent de 16 ans dans la région de Damas.

Les militants prodémocratie avaient appelé à manifester «pour que l'Armée syrienne libre (ASL) protège la révolution pacifique».

L'ASL, dont le chef Riad al-Assaad est basé en Turquie, a revendiqué une série d'attaques contre l'armée chargée de réprimer par la force la révolte, dont l'une jeudi a coûté la vie à six pilotes.

Dans un rare communiqué, le commandement de l'armée a confirmé leur mort, accusant des «terroristes soutenus par l'étranger». La multiplication des accrochages armés soulève les craintes de voir la Syrie sombrer dans la guerre civile.

L'agence officielle syrienne Sana a de son côté fait état d'immenses manifestations de partisans du régime à Damas et à Alep (nord).

Le Comité de l'ONU contre la torture a dénoncé des «violations flagrantes et systématiques des droits» de l'Homme en Syrie ainsi que leur «impunité», se disant préoccupé par des informations sur des tortures et des mutilations infligées à des enfants.