Le maréchal Hussein Tantaoui, chef d'État de fait, a appelé dimanche les Égyptiens à voter massivement aux législatives qui débutent lundi, une étape cruciale dans la transition politique engagée après la chute de Hosni Moubarak, qui traverse aujourd'hui une grave crise.

«Je demande au peuple égyptien de voter et d'exprimer ses désirs afin de faire émerger un Parlement équilibré qui représente toutes les tendances», a-t-il déclaré, estimant que les élections ne seraient «un succès que si tous exercent leur droit de vote».

«La sécurité des élections n'est pas de la responsabilité de l'armée et de la police seulement, elle est aussi de celle du peuple», a-t-il poursuivi, alors que les affrontements entre police et manifestants, qui ont fait 42 morts dans le pays ces derniers jours, principalement au Caire, ont cessé place Tahrir.

Après les élections en Tunisie et au Maroc, l'Égypte est le troisième pays à connaître une élection majeure dans une région bouleversée par le «Printemps arabe». Les islamistes, dominés par le mouvement des Frères musulmans, y sont également donnés favoris.

Dans le même temps, la mobilisation se poursuivait, sans toutefois être suivie massivement, sur la place Tahrir où des milliers de personnes étaient rassemblées en fin d'après-midi, tandis que d'autres campaient devant le siège du gouvernement, gardé par des militaires.

Les militants scandaient «Tantaoui, dégage!», considérant que le Conseil suprême des forces armées qu'il dirige perpétue la politique répressive de l'ère Moubarak.

À la veille des législatives, qui débuteront lundi dans un tiers de l'Égypte et notamment au Caire, la plupart des manifestants déclaraient qu'ils s'abstiendraient.

«Parmi les candidats, 70% étaient avec l'ancien régime et le reste est composé d'islamistes, donc je ne vois pas pour qui je voterais», a affirmé Samira, 42 ans.

Aucune issue n'était en vue dimanche soir pour sortir de l'impasse politique actuelle qui s'est exacerbée avec la nomination vendredi de Kamal el-Ganzouri, un septuagénaire ancien Premier ministre de Hosni Moubarak, pour diriger le gouvernement.

Le maréchal Tantaoui a toutefois averti qu'il ne tolèrerait aucune pression, laissant entendre qu'il ne renoncerait pas à M. Ganzouri, en dépit d'une proposition de Mohamed ElBaradei, l'une des principales figures de l'opposition, pour diriger un gouvernement de «salut national».

«Nous sommes confrontés à d'énormes défis auxquels nous allons faire face et nous ne permettrons pas à un quelconque individu ou une quelconque partie de faire pression sur les forces armées», a déclaré le maréchal Tantaoui.

Les Frères musulmans, en position de force pour ce premier scrutin post-Moubarak, ont clairement fait savoir que ce poste devrait être confié à l'un des leurs s'ils venaient à remporter les législatives.

«Le futur Parlement est censé représenter le peuple. Le Conseil militaire doit charger le parti qui remporte la majorité des voix de former le gouvernement», a affirmé à l'AFP leur porte-parole, Mahmoud Ghozlane.

Dans l'oasis du Fayyoum, une centaine de kilomètres au sud du Caire, le vote semblait acquis aux Frères. «Cela fait 80 ans qu'ils sont dans la politique, on peut leur faire confiance», assure un habitant de cette région rurale, Attia Abdelmagid, 74 ans.

La campagne pour les législatives s'est terminée dans les gouvernorats appelés aux urnes lundi, notamment Le Caire et Alexandrie. Sept ONG étrangères, dont le Centre Carter, ont reçu leur accréditation pour surveiller ces législatives, a annoncé le ministère des Affaires étrangères.

Quelque 40 millions d'électeurs sur 82 millions d'Égyptiens sont appelés à élire 498 membres de l'Assemblée du peuple (chambre des députés) sur plusieurs étapes, jusqu'au 10 janvier. Dix autres seront nommés par le maréchal Tantaoui.

L'Égypte est découpée en 27 gouvernorats divisés en trois groupes, qui voteront successivement, sur deux tours.

À l'étranger, le ministre français de l'Intérieur Claude Guéant a estimé que les autorités égyptiennes devraient faire «autrement l'ordre public et (qu')il est temps qu'elles passent le pouvoir aux civils».

Washington avait dès vendredi exhorté les autorités égyptiennes à transférer le pouvoir à un gouvernement de civils.