Le président Ali Abdallah Saleh s'est rendu lundi aux États-Unis afin d'y être soigné, au lendemain d'un discours d'adieu annonçant son départ du pouvoir au Yémen, où des mutineries secouent l'armée.

«Le président Saleh s'est rendu aux États-Unis pour poursuivre son traitement» lié aux blessures qu'il a subies lors «de l'agression criminelle» contre son palais en juin, a annoncé l'agence officielle yéménite SABA.

Son départ est intervenu alors qu'une vague de protestation touche les forces armées. Des soldats et des officiers de bases aériennes à Sanaa et à Aden, la principale ville du sud du Yémen, ont observé des sit-in pour réclamer l'éviction du général Mohammed Saleh al-Ahmar, commandant de l'armée de l'air, un demi-frère de M. Saleh, ont indiqué des responsables militaires.

Sous la pression de la rue, M. Saleh avait signé en novembre à Riyad un accord sur le transfert pacifique du pouvoir, en vertu duquel il demeure président à titre honorifique jusqu'au 21 février.

Le président a quitté dimanche soir Sanaa pour le sultanat d'Oman, accompagné de son épouse et de cinq de ses plus jeunes enfants, quatre garçons et une fille, selon son entourage.

Dans un discours d'adieu télévisé avant son départ, il a demandé pardon à ses «compatriotes, hommes et femmes, pour tout manquement pendant (ses) 33 ans de pouvoir».

«Je vais me rendre aux États-Unis pour des soins et je retournerai à Sanaa en tant que président du Congrès populaire général (CPG)», le parti actuellement au pouvoir, a-t-il ajouté.

M. Saleh avait été grièvement blessé dans un attentat contre son palais en juin puis hospitalisé pendant trois mois en Arabie saoudite.

Il a souligné avoir «confié toutes (ses) prérogatives au vice-président (Abd Rabbo Mansour Hadi), qui assume les responsabilités jusqu'à son élection le 21 février» au poste de président, en vertu de l'accord de Riyad.

Le départ du président est intervenu au lendemain du vote par le Parlement d'une loi lui accordant l'immunité et entérinant la candidature unique de M. Hadi à la présidentielle.

Après ce scrutin, «nous installerons Abd Rabbo Mansour Hadi comme chef de l'État (...) et Ali Abdallah Saleh fera ses valises et ira s'installer dans sa résidence» privée, a ajouté le chef de l'État.

Mais le discours du président, vivement contesté dans la rue où la répression d'un mouvement de protestation populaire a fait des centaines de morts depuis janvier 2011, n'a pas convaincu les milliers de jeunes qui campent depuis près d'un an à Sanaa pour réclamer son départ.

«Nous craignons qu'il ne s'agisse d'une nouvelle manoeuvre de Saleh», a affirmé à l'AFP Walid Ammari, l'un des meneurs du mouvement des «Jeunes de la révolution».

«Nous allons poursuivre notre sit-in, et nous ne célèbrerons pas son départ. C'est la date du 21 février qui sera décisive pour l'histoire du Yémen», a-t-il ajouté.

Des dizaines de milliers de personnes avaient manifesté dimanche pour exiger la traduction en justice de M. Saleh.

La diplomatie américaine a dit dimanche soir avoir «approuvé» la demande du président yéménite de se rendre aux États unis dans «l'unique but» d'y être soigné. M. Saleh «restera pendant une durée limitée qui correspond au temps requis par ce traitement», a expliqué le département d'État.

Le conseiller du président américain pour la lutte contre le terrorisme, John Brennan, a appelé au téléphone le vice-président Hadi dimanche soir et lui a transmis les «félicitations» du président Barak Obama pour «les mesures prises sur la voie de l'application» de l'accord de transfert du pouvoir, selon SABA.

Il lui a transmis l'assurance du président Obama que les États-Unis «apporteront une aide politique et économique pour que le Yémen puisse sortir de la crise», et ajouté que «la coopération portera également sur la lutte contre le terrorisme», d'après l'agence.

M. Saleh se présentait en champion de la lutte contre le terrorisme, mais ses détracteurs l'ont accusé d'agiter la menace d'Al-Qaïda, qui gagne en puissance dans le pays, pour avoir les faveurs de l'Occident.