Le régime syrien a envoyé mardi plus de renforts dans les fiefs rebelles malgré sa promesse d'appliquer «immédiatement» le plan de paix de l'émissaire international Kofi Annan selon l'ONU qui va envoyer à Damas une mission pour préparer le déploiement d'observateurs.

Résumant le scepticisme de la communauté internationale, les États-Unis ont assuré ne disposer d'«aucune preuve» montrant que le régime syrien tenait sa promesse.

Alors que 38 personnes ont péri mardi, dont 25 civils, le régime de Bachar al-Assad a promis de faire réussir la mission du chef du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Jakob Kellenberger, en visite en Syrie pour tenter d'accélérer la distribution d'aide aux «personnes vulnérables» touchées par les violences.

Les affrontements ont fait rage dans les bastions insurgés dans le sud, le nord-ouest et près de Damas.

Des troupes ont été envoyées dans la province de Deraa (sud), berceau de la contestation, et à Zabadani près de la capitale, les forces du régime usant de la «tactique des maisons brûlées», selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). L'armée a lancé également des assauts à Homs (centre) et bombardait violemment Rastane, dans la même province.

De plus, la situation humanitaire s'aggrave selon des militants qui ont évoqué des exactions des forces gouvernementales contre la population.

«Dans le cadre de leur politique visant à affamer le peuple, elles prennent d'assaut les maisons, détruisent les provisions stockées dans les villages», a dénoncé Sayyed Mahmoud, un militant à Deraa. «Ces forces entrent dans les boulangeries et détruisent la pâte en la jetant dans la rue», dit-il, soulignant que «l'électricité est coupée 15 heures par jour».

C'est à Deraa que le président du CICR, en visite pour deux jours, pourrait se rendre mercredi, selon un porte-parole de l'organisation.

M. Kellenberger a exprimé mardi au ministre syrien de l'Intérieur le souhait d'accéder à des lieux de détention en Syrie.

«Le gouvernement (syrien) n'a pas fourni d'informations sur la manière dont il compte mettre en oeuvre les autres points du plan (Annan), y compris son engagement d'accélérer (...) la libération de toutes les personnes détenues arbitrairement», a déploré Amnesty International.

Le plan Annan préconise, outre la cessation de la violence par toutes les parties sous supervision de l'ONU, la fourniture d'aide humanitaire aux zones touchées par les combats, la libération des personnes détenues arbitrairement et la liberté de circulation pour les journalistes dans le pays.

Dans ce contexte, le porte-parole de Kofi Annan a annoncé qu'une équipe de l'ONU se rendrait en Syrie dans les 48 heures pour préparer le plan de déploiement des observateurs censés surveiller la cessation des hostilités.

Cette mission d'observateurs est au coeur d'un projet de déclaration préparé par Washington, Paris et Londres dans la perspective d'une adoption jeudi. Selon le porte-parole de M. Annan, cette mission sera dirigée par le général norvégien Robert Mood.

Les autorités syriennes ont promis à M. Annan d'entamer «immédiatement» un désengagement militaire de façon à l'avoir terminé le 10 avril, avait indiqué lundi l'ambassadrice américaine à l'ONU Susan Rice, dont le pays préside en avril le Conseil de Sécurité.

Selon Mme Rice, la lettre du ministère syrien des Affaires étrangères à l'émissaire stipule que «les forces syriennes commenceront immédiatement» à prendre les mesures suivantes: «mettre fin à toute avancée et à toute utilisation d'armes lourdes et se retirer des centres urbains».

Damas avait accepté fin mars le plan Annan mais avait lié sa réussite à l'arrêt des violences attribuées par le régime aux rebelles, qu'il qualifie de «terroristes».

Mme Rice a expliqué que l'adjoint de Kofi Annan, Nasser Al-Qidwa, s'efforçait de convaincre l'opposition armée de s'engager à «mettre fin à ses opérations dans les 48 heures suivant une cessation complète des hostilités de la part du gouvernement».

Mais des responsables rebelles avaient répété récemment que, tout en saluant le plan Annan, ils ne déposeraient les armes qu'après le retrait des chars des villes.

La Syrie est secouée depuis plus d'un an par une révolte contre le régime qui la réprime dans le sang. Les violences ont fait plus de 10 000 morts, en majorité des civils, selon l'OSDH.

M. Assad, seul chef d'État contesté à s'être maintenu au pouvoir dans la foulée du Printemps arabe, se targue de l'appui de son armée, d'une partie de la population et surtout de la Russie pour conforter sa position face aux pressions. Moscou s'est opposé d'ailleurs à tout «ultimatum» adressé à Damas.

La délégation de l'Union européenne (UE) à Damas a par ailleurs condamné la poursuite de la détention sans inculpation du président du Centre syrien pour les médias et la liberté d'expression, Mazen Darwich, s'inquiétant pour son état de santé.