L'armée syrienne bombardait mardi plusieurs localités, faisant de nouveaux morts, en dépit des assurances de Damas sur un retrait partiel de ses troupes et l'application du plan de l'émissaire international Kofi Annan.

Mais la France et la Grande-Bretagne ont immédiatement accusé le régime de Bachar al-Assad de ne pas avoir tenu parole, le plan Annan prévoyant avant toute chose le retrait des chars des villes mardi au plus tard.

À Moscou, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a assuré que la Syrie avait commencé à mettre en oeuvre le plan Annan, appelant toutefois son allié à être «plus actif» et «plus ferme» dans son application, lors d'une conférence de presse avec son homologue Walid Mouallem.

Le chef de la diplomatie syrienne a assuré de son côté que Damas avait «déjà effectué» le retrait d'unités militaires «dans certaines provinces».

«Le cessez-le-feu doit commencer avec l'arrivée d'observateurs internationaux», a-t-il ajouté, alors que l'ONU conditionne l'envoi de ces observateurs à l'arrêt des violences.

La France a qualifié ces affirmations de «nouvelle expression d'un mensonge flagrant et inacceptable», tandis que pour Londres, Damas semble «n'avoir aucune intention de tenir ses engagements». La communauté internationale avait déjà accusé le régime de ne pas tenir ses promesses.

Sur le terrain, aucun retrait des forces n'a été constaté, a indiqué à l'AFP Rami Abdel Rahmane, président de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui a recensé mardi 17 morts, notamment sept civils à Homs (centre), bombardée comme plusieurs autres localités.

Les Frères musulmans syriens, influents au sein de l'opposition, ont estimé que le plan Annan accordait un «permis de tuer illimité» au régime de Assad, ajoutant: «Notre peuple a payé 1000 martyrs (...) comme prix pour le plan (Annan) dont le monde entier connaissait d'avance les résultats».

Selon les opposants, un millier de personnes ont trouvé la mort en Syrie depuis le 2 avril, date à laquelle l'ONU avait annoncé l'acceptation par Damas du plan de paix en six points de Kofi Annan.

Par ailleurs, M. Mouallem a à nouveau accusé la Turquie de soutenir les rebelles, alors que la tension est brusquement montée lundi entre les deux voisins après que des tirs en provenance de Syrie ont fait des blessés en Turquie.

Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a haussé le ton mardi, estimant qu'«il s'est produit une très claire violation de la frontière». «Nous prendrons évidemment les mesures nécessaires», a-t-il ajouté, sans préciser lesquelles.

Le ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu a interrompu une visite en Chine et devait rentrer immédiatement en Turquie.

«La Turquie soutient les groupes armés illégaux syriens (...) et contribue à la pénétration illégale de militants en Syrie», a rétorqué M. Mouallem, estimant que «cela contredit le plan Annan».

Selon Ankara, quelque 25 000 Syriens se sont réfugiés sur son territoire depuis l'éclatement d'une révolte populaire le 15 mars 2011.

M. Annan est d'ailleurs arrivé en Turquie pour y visiter des camps de réfugiés syriens. Il doit ensuite envoyer un courrier au Conseil de sécurité de l'ONU concernant son plan, a annoncé son porte-parole.

Quelques heures avant l'expiration du délai fixé par l'ONU, le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon avait lancé un dernier appel au régime pour qu'il cesse ses attaques, alors que 105 personnes, en grande majorité des civils ont été tuées lundi selon l'OSDH.

Avant même la reprise des violences, les États-Unis ont estimé que Damas n'a fait «aucun signe jusqu'ici» pour montrer qu'il respectait ses engagements en vue d'un cessez-le-feu.

Le régime de Bachar al-Assad avait accepté le plan Annan, avant d'exiger comme préalable des garanties écrites sur l'arrêt des violences commises selon lui par les rebelles, qu'il assimile à des «terroristes».

Ces conditions sont «inacceptables» et «irréalisables», a dénoncé Bassma Kodmani, porte-parole du Conseil national syrien (CNS), principale composante de l'opposition.

Selon les militants et des analystes, le pouvoir cherche à gagner du temps.

À Damas dans la nuit, des manifestants avaient ironisé sur des pancartes: «Donnez-lui encore des délais, il y a des enfants qui n'ont pas encore été tués».

«La tactique du régime, c'est "on dit oui mais on pense non". Ils acceptent le plan Annan puis commencent à rajouter des clauses», affirme à l'AFP Fabrice Balanche, directeur du centre français de recherche Gremmo. «Bachar al-Assad peut ainsi dire "Moi j'accepte le plan, ce sont les autres qui refusent"», ajoute-t-il.

Les experts estiment toutefois que cette tactique n'est pas viable à terme. Pour Salman Shaikh, directeur du centre Brookings Doha, Damas «ne peut pas continuer à mentir à jamais. Le plan Annan a échoué, mais le régime est encore plus isolé».

Selon l'OSDH, les violences ont fait plus de 10 000 morts depuis la mi-mars 2011 et plus de 100 000 personnes sont ou ont été détenues pendant cette période.

Retrait de Homs

La Syrie a informé mardi la Russie du retrait d'une partie des troupes gouvernementales basées à Homs, bastion de la résistance, a rapporté le ministère russe des Affaires étrangères à l'issue de discussions à Moscou entre les chefs de la diplomatie des deux pays.

«Pendant les pourparlers, le ministre syrien a transmis à Moscou les informations officielles qu'il venait d'obtenir de Damas, selon lesquelles une partie des troupes gouvernementales syriennes à Homs ont regagné leurs casernes», a déclaré le ministère dans un communiqué.

«La partie russe a salué ces actes de la Syrie et a appelé Damas à faire d'autres pas pour mettre en oeuvre le plan Annan», a poursuivi le ministère.

Plus tôt dans la journée, le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem, avait affirmé que Damas avait commencé à appliquer le plan de l'émissaire international Kofi Annan.

«J'ai informé mon collègue russe des initiatives que la Syrie entreprend pour montrer sa bonne volonté dans l'application du plan Annan», a déclaré M. Mouallem lors d'une conférence de presse avec son homologue russe, Sergueï Lavrov.

«Nous avons déjà effectué le retrait de nos unités militaires dans certaines provinces», a-t-il ajouté, sans plus de précisions.

Parmi les autres mesures prises dans le cadre de l'application du plan Annan, le ministre syrien a cité «la libération de certaines personnes qui ont participé à des troubles».

«Le cessez-le-feu doit commencer avec l'arrivée d'observateurs internationaux», a-t-il ajouté, soulignant qu'il constatait une «intensification des agissements de groupes armés dans différentes régions de Syrie».