Mère d'un jeune disparu, Nassera Dutour porte comme nombre de ses compatriotes les séquelles de la guerre civile qui a dévasté l'Algérie dans les années 90. Mais elle ne croit pas que ces blessures puissent freiner longtemps l'expression des aspirations démocratiques de la population du pays.

«Il est vrai que les Algériens sont traumatisés... Ils n'ont plus confiance, ni dans les partis ni dans personne, mais je suis certaine qu'ils répondront en grand nombre si on leur dit ce qu'ils veulent entendre, si un mouvement d'opposition clair et sain se dessine», souligne en entrevue cette femme de 55 ans, qui agit comme porte-parole de SOS Disparus.

Son organisation exerce depuis des années des pressions sur le gouvernement du président Abdelaziz Bouteflika pour obtenir des éclaircissements sur les circonstances ayant mené à la disparition de milliers de personnes durant la guerre civile. Le conflit, opposant le gouvernement à des groupes armés islamistes, a fait plus de 150 000 morts.

SOS Disparus s'est joint, début janvier, à la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), une coalition hétéroclite de partis de l'opposition, de mouvements de la société civile et de syndicats non officiels qui organise aujourd'hui une nouvelle journée de manifestation à Alger.

«Il faut pousser le régime vers la sortie», souligne Mme Dutour, qui croise depuis longtemps le fer avec les dirigeants du pays.

Sa bataille a commencé il y a 15 ans après que son fils, Amine, eut été enlevé par les forces de sécurité, peu après un attentat. «Il se tenait debout sur le trottoir. Des gens dans une Nissan sont passés, ils l'ont raflé... Il n'y avait aucune raison de le faire. Il ne faisait pas de politique, ce n'était pas un voyou», résume la porte-parole.

Ses recherches lui ont permis de savoir que le jeune homme a été détenu pendant un mois dans un commissariat de police. Mais elle ne sait pas ce qui est arrivé ensuite et le gouvernement ne veut pas enquêter.

Le pouvoir, dit Mme Dutour, a toujours opposé une fin de non-recevoir aux demandes d'éclaircissements des familles. «Quand il est arrivé à la présidence en 1999, Bouteflika nous a traitées de pleureuses. Il a dit que nous étions une honte pour le pays», relève la militante de SOS Disparus, qui réclame un changement de régime d'envergure pour le pays.

Le scénario égyptien, où l'armée demeure pour l'heure bien en selle, ne l'inspire pas du tout. «S'il faut qu'il y ait encore du sang et des victimes pour que les militaires se retrouvent au pouvoir, non merci, on a assez donné. Ils sont déjà au pouvoir ici», dit-elle.