Le conseil militaire en Égypte n'a pas tenu ses promesses et certaines violations des droits de l'homme commises depuis qu'il est au pouvoir sont pires que sous le régime de l'ancien président Hosni Moubarak, dénonce Amnesty international (AI) dans un rapport publié mardi.

La publication de ce rapport intervient alors que le pays est secoué depuis trois jours par des affrontements meurtriers entre les forces de l'ordre et des manifestants qui réclament la fin du pouvoir militaire, la plus grave crise depuis la chute de M. Moubarak.

Dans son rapport, l'ONG établit une liste «affligeante» des violations des droits de l'homme commises sous le pouvoir du Conseil suprême des forces armées (CSFA), à la tête de l'Égypte depuis la chute de l'ancien raïs le 11 février.

«En jugeant des milliers de civils devant des tribunaux militaires, en réprimant des manifestations pacifiques, en élargissant le champ d'application de la loi sur l'état d'urgence en vigueur sous M. Moubarak, le CSFA a perpétué un système répressif contre lequel les manifestants du 25-Janvier ont combattu si ardemment pour parvenir à s'en débarrasser», affirme Philip Luther, directeur par intérim d'AI pour le Moyen-Orient.

«Ceux qui ont défié ou critiqué le conseil militaire - les manifestants, les journalistes, les blogueurs, les grévistes - ont fait l'objet d'une répression impitoyable, dans une tentative de les faire taire», poursuit-il dans un communiqué.

«Le bilan sur le respect des droits humains montre qu'après neuf mois de pouvoir en Égypte, le CSFA a étouffé les objectifs et les aspirations de la révolution du 25-Janvier», dénonce M. Luther.

Applaudie par la population pour ne pas avoir réprimé la révolte contre M. Moubarak et chargée d'engager le processus de démocratisation, l'armée fait désormais l'objet de vives critiques, accusée de multiplier les procès envers les civils et soupçonnée de vouloir se maintenir au pouvoir.

L'ONG assure que dans le domaine de la justice, le pouvoir militaire a fait «empirer» la situation. Elle affirme que 12 000 civils ont été jugés devant des tribunaux militaires au cours des neuf derniers mois, notamment pour des «violences mineures» ou pour «outrage envers l'armée».

Amnesty cite le cas du blogueur Maikel Nabil, enfermé pour 45 jours dans un hôpital psychiatrique après avoir entamé une grève de la faim pour protester contre sa condamnation à trois ans de prison.

«Après avoir entamé une grève de la faim en août, les autorités pénitentiaires lui ont retiré des médicaments vitaux pour son coeur», rappelle l'organisation, qui souligne également les tentatives du conseil militaire pour étouffer les articles défavorables à son égard.

Au lieu de protéger les manifestants, les forces de l'ordre, notamment l'armée, ont «violemment réprimé plusieurs manifestations, faisant plusieurs morts et des blessés».

Amnesty rappelle que 28 personnes ont été tuées lors d'une manifestation de chrétiens coptes d'Égypte le 9 octobre, citant des sources médicales qui ont fait état de victimes touchées par balles ou écrasées par des véhicules blindés.

«Au lieu d'ordonner une enquête indépendante, l'armée a annoncé qu'elle mènerait elle-même l'enquête et a rapidement fait taire toute critique», affirme le rapport,

L'ONG accuse également le conseil militaire de promettre des enquêtes afin d'écarter toute critique, notamment sur la poursuite de la pratique de la torture en prison.

Amnesty appelle les autorités égyptiennes a enquêter sérieusement et en toute transparence sur les violations des droits de l'homme, et à abolir la loi sur l'état d'urgence.