Moscou a annoncé mardi un arrêt immédiat des raids des aviations russe et syrienne sur Alep, en signe de «bonne volonté» et pour permettre l'évacuation des civils des quartiers rebelles de cette ville bombardée à un rythme intense depuis presque un mois.

Les habitants de la partie est en ont profité pour sortir dans les rues à la recherche de nourriture, qui se fait de plus en plus rare à l'approche de l'hiver, a constaté un correspondant de l'AFP présent dans les quartiers aux mains des insurgés.

La diplomatie américaine s'est pourtant dite sceptique à l'égard de cette annonce surprise de la Russie qui intervient après des semaines de critiques des Occidentaux contre la brutalité des attaques de l'armée du président syrien Bachar al-Assad, soutenue par les avions russes.

«Il est un peu tôt pour dire ce que cela vaut et combien de temps cela va tenir. On a déjà vu ce genre d'engagements et de promesses. Et on a vu qu'ils ont été rompus», a en effet réagi le porte-parole du département d'État américain John Kirby.

L'arrêt des bombardements russes sur la deuxième ville de Syrie est «purement un geste de bonne volonté des militaires russes», a pour sa part expliqué le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, assurant que cette suspension n'était «aucunement liée» aux critiques émises par la France et l'Allemagne.

Une «réunion de travail» sur la Syrie est en outre prévue entre les présidents français et russe François Hollande et Vladimir Poutine et la chancelière allemande Angela Merkel pour mercredi à Berlin, à l'issue d'un sommet sur l'Ukraine, a fait savoir la présidence française.

Le porte-parole de l'Ocha (bureau des Nations unies pour l'aide humanitaire) Jens Laerke s'est quant à lui dit «satisfait» de l'annonce russe, tout en demandant «des assurances de toutes les parties au conflit» avant que l'ONU ne pénètre dans Alep pour y apporter de l'aide, tandis qu'une réunion spéciale du Conseil des droits de l'homme des Nation unies consacrée à la situation humanitaire sur place aura lieu vendredi à Genève.

Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a annoncé mardi matin au cours d'une réunion de son état-major que les frappes des aviations russe et syrienne avaient cessé.

En guise d'explication, il a affirmé que cet «arrêt provisoire» des raids était nécessaire à la mise en oeuvre de la «pause humanitaire» prévue pour jeudi, qui doit permettre aux civils de quitter les quartiers rebelles assiégés de la grande ville du nord de la Syrie.

M. Choïgou n'a rien dit en revanche sur les opérations au sol de l'armée syrienne.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), les frappes aériennes ont effectivement cessé dans Alep-est, mais des combats continuent dans la vieille ville, sur la ligne de démarcation entre les zones contrôlées par les insurgés et par le régime. Des bombardements ont aussi été entendus dans la région d'Alep.

Discussions à Genève 

Cette «pause humanitaire» doit permettre aux civils de partir des quartiers concernés via des couloirs humanitaires ainsi que l'évacuation des malades et des blessés, a précisé le ministre russe. Elle rendra également possible le départ des combattants le désirant.

Les Russes demandent instamment aux Occidentaux de convaincre les insurgés de prendre leurs distances avec les djihadistes du Front Fateh al-Cham (ex-Front Al-Nosra, l'ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda).

Pour Sergueï Choïgou, l'arrêt des raids aériens aidera au succès de discussions axées «sur la séparation entre l'opposition modérée et les terroristes à Alep».

L'ambassadeur de Russie à l'ONU Vitali Tchourkine a à ce sujet déclaré qu'une réunion -à l'origine prévue pour lundi- se déroulerait mercredi à Genève entre militaires russes, américains, saoudiens, qataris et turcs pour «tenter de séparer sur la carte les soi-disant groupes modérés (de l'opposition syrienne) d'Al-Nosra».

«Au moment où commencera la pause humanitaire, les troupes syriennes se retireront à une distance suffisante pour que les combattants puissent quitter l'est d'Alep avec leurs armes» via deux couloirs spéciaux, la route du Castello au nord et le Souk al-Hal dans le centre d'Alep, a poursuivi M. Choïgou.

Les 250.000 habitants des quartiers est, aux mains des rebelles depuis 2012, sont soumis depuis le 22 septembre à un déluge de feu des aviations russe et syrienne, le régime de Bachar al-Assad ayant déclenché une vaste offensive visant à reprendre Alep.

Dans la nuit de lundi à mardi, soit avant l'arrêt des frappes, des bombardements russes ont d'ailleurs pris pour cible des quartiers rebelles, faisant au moins cinq morts, un couple et ses trois enfants, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme.

De leur côté, les insurgés ont tiré à l'artillerie mardi sur des quartiers de l'ouest de la ville sous contrôle des forces gouvernementales, provoquant la mort de quatre personnes, cependant que vingt autres ont été blessées, a également signalé l'OSDH.

L'armée russe avait annoncé lundi la suspension des bombardements russes et syriens pendant huit heures jeudi à Alep dans le cadre d'une «pause humanitaire».