La justice égyptienne a maintenu jeudi la candidature contestée sur le plan légal du dernier premier ministre d'Hosni Moubarak, Ahmad Chafiq, deux jours avant le second tour de la présidentielle où il doit affronter le Frère musulman Mohammed Morsi.

La Haute cour constitutionnelle a en effet invalidé une loi interdisant aux piliers du régime déchu - comme M. Chafiq - de se présenter, dans un arrêt crucial pour la suite du processus électoral et de la transition politique.

Elle a dans le même temps ouvert la possibilité de législatives partielles, en invalidant des clauses de la loi électorale concernant un tiers des sièges de députés élus récemment. Ce scrutin avait été dominé par les islamistes.

Le bâtiment de la cour, dans le sud du Caire, a été placé sous forte protection de l'armée en raison de la sensibilité de ces décisions et des enjeux avant le second tour de la présidentielle samedi et dimanche.

« Cela veut dire que la révolution est finie », s'est exclamé un manifestant venu protester contre le maintien dans la course d'un ancien proche de M. Moubarak, accusé par ses détracteurs d'être le favori du Conseil militaire qui dirige le pays depuis la chute de l'ancien président en février 2011.

« On ne veut plus des fouloul », ont scandé des manifestants, utilisant ce terme péjoratif pour désigner les « restes » de l'ancien régime.

La loi invalidée rendait inéligibles les plus hauts responsables du régime déchu. Le texte avait été adopté en avril par le Parlement dominé par les islamistes et ratifié par le Conseil militaire.

Mais la commission électorale a décidé de renvoyer ce texte devant la Haute cour constitutionnelle, permettant ainsi à M. Chafiq de se présenter à la présidentielle en attendant son arrêt.

Une disposition de cette législation interdit « à tout président de la République, vice-président, premier ministre, président du Parti national démocrate (PND, parti de M. Moubarak) maintenant dissous, secrétaire général ou membre de son bureau politique » d'exercer des droits politiques pendant dix ans.

Cette loi concerne les personnes ayant occupé un de ces postes pendant les dix années précédant le 11 février 2011, date de la démission sous la pression populaire de M. Moubarak.

La défense de M. Chafiq avait stigmatisé cette loi « vengeresse », la qualifiant de « précédent dangereux ».

Ancien commandant de l'armée de l'air puis ministre de l'Aviation civile sous M. Moubarak, M. Chafiq, 70 ans, avait été nommé à la tête du gouvernement juste avant le départ de l'ancien président.

Ses adversaires estiment que son élection ruinerait les espoirs de démocratisation ouverts par la révolte anti-Moubarak.

M. Chafiq a fait campagne sur le thème de la sécurité et la stabilité, tout en promettant qu'il n'y « aurait pas de retour » au régime qui prévalait sous M. Moubarak.

La cour a d'autre part déclaré que la loi régissant les dernières élections législatives était invalide pour le tiers des sièges attribués au scrutin uninominal - les autres l'ont été au scrutin de liste.

La controverse portait sur l'ouverture de ces sièges, initialement réservés à des indépendants, à des candidats affiliés à des partis.

Les élections législatives, qui se sont étalées de novembre à février, ont débouché sur un Parlement de 508 membres composé pour près de la moitié de Frères musulmans et pour près d'un quart de fondamentalistes salafistes.

Mahmoud al-Khodeiri, un avocat élu au Parlement avec le soutien des Frères musulmans, n'a pas exclu dans une déclaration à l'AFP, qu'un nouveau scrutin soit organisé pour pourvoir les sièges désormais vacants.

L'annonce de ces décisions intervient dans un contexte tendu, comme en témoigne la décision mercredi de rendre à la police militaire et aux services de renseignement de l'armée le pouvoir d'arrêter des civils.

Cette possibilité avait été levée le 31 mai dernier avec la fin de l'état d'urgence en vigueur sans discontinuer depuis 1981.