Le Conseil de sécurité de l'ONU a voté en faveur d'un recours à la force en Libye contre les troupes du colonel Mouammar Kadhafi, ouvrant la voie à des frappes aériennes dans ce pays. La Libye a rapidement répliqué que cette résolution menaçait son unité et constituait un «appel aux Libyens à s'entretuer».

La résolution autorise «toutes les mesures nécessaires» pour protéger les civils et imposer un cessez-le-feu à l'armée libyenne.

«Cette résolution traduit une attitude agressive de la communauté internationale, qui menace l'unité de la Libye et sa stabilité», a déclaré M. Kaïm peu après le vote par le Conseil de sécurité de l'ONU d'une résolution approuvant le recours à la force contre les troupes du colonel Mouammar Kadhafi.

Le responsable libyen a dénoncé un «complot» de la communauté internationale et «une volonté de pays comme la France, la Grande-Bretagne et les États-unis, de diviser le pays». Selon lui, la résolution est un «appel aux Libyens à s'entretuer».

Le texte a été adopté par 10 voix sur les 15 membres du Conseil de sécurité. La Chine et la Russie se sont abstenues mais n'ont pas utilisé leur veto pour bloquer le texte. L'Allemagne, le Brésil et l'Inde se sont aussi abstenus.

Alors que Mouammar Kadhafi a annoncé un assaut contre la ville de Benghazi, fief des rebelles, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a averti qu'il n'y avait plus beaucoup de temps pour intervenir. «C'est peut-être une question d'heures», a-t-il lancé avant le vote.

La France avait auparavant annoncé des frappes aériennes après l'adoption de la résolution.

«La France appelle solennellement tous les membres du Conseil de sécurité à soutenir cette initiative et à adopter cette résolution. Si ce mandat est voté, elle est prête à agir avec les États membres, notamment arabes», a souligné M. Juppé.

«Nous n'avons plus beaucoup de temps. C'est une question de jours. C'est peut-être une question d'heures. Chaque jour, chaque heure qui passe resserre l'étau des forces de la répression autour des populations civiles», a-t-il ajouté.

«Chaque jour, chaque heure qui passe alourdit le poids de la responsabilité qui pèse sur nos épaules. Prenons garde d'arriver trop tard. Ce sera l'honneur du Conseil de sécurité d'avoir fait prévaloir en Libye la loi sur la force, la démocratie sur la dictature, la liberté sur l'oppression», a-t-il conclu.

Après le vote, l'ambassadeur britannique à l'ONU, Mark Lyall Grant, a souligné que la Grande-Bretagne était «prête à prendre ses responsabilités pour mettre fin aux violences et protéger les civils».

Susan Rice, ambassadrice des États-Unis à l'ONU, a expliqué que les États-Unis «se tenaient du côté du peuple libyen et leur aspiration aux droits de l'homme». «Le Conseil de sécurité a répondu à l'appel à l'aide du peuple libyen. Ce vote est une réponse puissante à un besoin urgent sur le terrain», a-t-elle dit.

Dans le camp de ceux qui se sont abstenus, Peter Wittig, ambassadeur d'Allemagne, a souligné que son pays «voyait de grands risques» dans l'usage de la force armée. «La possibilité de pertes en vies humaines à grande échelle ne doit pas être sous-estimée», a-t-il dit. Il a indiqué que son pays ne prendrait pas part aux opérations militaires contre la Libye.

Maria Luiza Ribeiro Viotti, ambassadrice du Brésil, a expliqué que son pays «n'était pas convaincu du fait que l'usage de la force conduira à la fin de la violence». «Cela pourrait causer plus de mal que de bien pour le peuple libyen», a-t-elle dit.

L'ambassadeur de Russie, Vitali Tchourkine, a estimé que «la passion pour l'usage de la force a prévalu. C'est très regrettable». Il a rappelé que son pays avait proposé une résolution appelant à un cessez-le-feu.

Tirs de joie à Benghazi

Des tirs de joie ont retenti dans la nuit de jeudi à vendredi à Benghazi, fief des insurgés en Libye, peu après l'adoption de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, selon des journalistes de l'AFP.

Plusieurs centaines de jeunes étaient rassemblés devant le siège du Conseil national de transition, l'instance dirigeante mise en place par les insurgés, et brandissaient les drapeaux de la monarchie en vigueur avant la prise du pouvoir par le colonel Mouammar Kadhafi en 1969.

La foule brandissait des pancartes à l'adresse de Kadhafi sur lesquelles on pouvait lire «Benghazi ne t'aime pas». De nombreuses voitures klaxonnaient.

Plusieurs centaines de Libyens étaient rassemblés sur la place devant le siège du Conseil national de transition pour célébrer l'événement.

«J'ai vu l'annonce du vote sur Al Jazira, c'est le plus beau jour de ma vie, tous les citoyens sont heureux», a dit à l'AFP Marij Bourahim, 42 ans, qui travaille pour la principale compagnie pétrolière libyenne.

Une révolte sans précédent contre le régime de Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis près de 42 ans, a éclaté à la mi-février dans le pays.

Après avoir repris plusieurs villes de l'Est aux insurgés ces derniers jours, les forces loyales au colonel Kadhafi sont «aux portes» de Benghazi, avait indiqué plus tôt la télévision officielle.