Des milices de Misrata mènent des attaques de représailles contre des habitants déplacés originaires de la ville de Touarga, un bastion des partisans de Mouammar Kadhafi durant le conflit en Libye, a affirmé dimanche Human Rights Watch (HRW).

«Des milices de Misrata (215 km à l'est de Tripoli) terrorisent les habitants déplacés de la ville voisine de Touarga, les accusant d'avoir commis des atrocités avec les forces de Kadhafi à Misrata», notamment des viols et des meurtres, a indiqué l'organisation de défense des droits de l'Homme dans un communiqué.

HRW, qui se fonde sur des témoignages de dizaines d'habitants de Touarga déplacés à travers le pays, fait état de tirs de miliciens de Misrata sur des habitants non armés, d'arrestations arbitraires et de violences commises sur des détenus, ayant conduit dans quelques cas à la mort.

L'ONG souligne que Touarga a été en partie pillée et incendiée, les miliciens ayant affirmé que les 30.000 habitants, qui ont tous fui, ne devaient jamais être autorisés à revenir «après ce qu'ils ont fait à Misrata».

La ville était toujours déserte dimanche, à l'exception de rares véhicules immatriculés à Misrata que leurs propriétaires chargeaient de biens traînant dans les immeubles déserts, au milieu de voitures et de chars calcinés, a constaté un journaliste de l'AFP.

HRW appelle le Conseil national de transition (CNT), le nouveau pouvoir en Libye, à placer la centaine de groupes armés de Misrata sous un commandement unique et à juger les responsables de crimes.

Touarga a servi de base lors des attaques menées contre Misrata par les forces de Mouammar Kadhafi, qui ont assiégé la ville pendant cinq mois.

Des scènes filmées au mois de mars avec des téléphones portables saisis sur des soldats pro-Kadhafi capturés ou tués, qu'un journaliste de l'AFP a visionnées, montrent des centaines d'habitants de Touarga montant à l'assaut de Misrata armes en main, entourés de soldats.

De féroces combats avaient suivi cette attaque, à l'intérieur même de Misrata. Les pro-Kadhafi, chassés de la ville début mai, avaient continué de la bombarder jusqu'au 10 août depuis Touarga, où était basée leur artillerie, finalement détruite par les combattants de Misrata le 11 août.

À cette date, Touarga était déjà déserte, les habitants ayant fui. «Pendant des mois, nous leur avons envoyé des messages de menaces, expliquant ce que nous leur ferons quand nous aurons pris Touarga», a expliqué à l'AFP un membre du conseil militaire de Misrata.

«Dans la nouvelle Libye, les habitants de Touarga accusés de méfaits devraient être jugés en fonction de la loi et non pas par des milices se faisant elles-mêmes justice», a affirmé la directrice de HRW au Moyen-Orient, Sarah Leah Whitson, en soulignant que les actes de vengeance «portaient atteinte au but de la révolution libyenne».

Le CNT a annoncé le 23 octobre la libération totale du pays, après la prise de Syrte, dernier bastion pro-Kadhafi, et la mort du «Guide» libyen. Mais de nombreux milices sévissent encore dans le pays et le ressentiment vis-à-vis des anciens partisans de Mouammar Kadhafi est toujours vif.

Les combattants de Misrata sont également accusés d'exactions à Syrte par HRW, notamment d'exécutions sommaires de partisans de Mouammar Kadhafi.