L'opposition contrôlait lundi de vastes territoires de Libye, y compris les principaux champs de pétrole, alors que le colonel Kadhafi restait sourd à la pression internationale qui s'accentue, minimisant l'insurrection sanglante qui ébranle son régime.

Au 14e jour d'une révolte sans précédent qui s'est muée en insurrection, Mouammar Kadhafi et ses forces ne contrôlent plus que Tripoli et sa région. Selon le commissaire européen à l'Energie Gunther Oettinger, les principaux champs de pétrole libyens sont désormais entre les mains de l'insurrection.

«Nous avons tout lieu de penser que le gros des champs d'exploitation (de gaz et de pétrole) n'est plus entre les mains de Kadhafi, mais se trouve sous le contrôle de tribus et de forces provisoires qui ont repris le pouvoir», a-t-il dit.

Après l'ONU et les États-Unis, l'Union européenne a adopté lundi un embargo sur les armes contre la Libye ainsi qu'un gel des avoirs et des interdictions de visa contre le colonel Kadhafi et 25 de ses proches.

Ces mesures, qui doivent être formellement entérinées dans la journée, pourraient entrer en vigueur dès lundi, selon un diplomate européen.

La communauté internationale, Occident en tête, réfléchit en outre à une interdiction de l'espace aérien libyen afin d'empêcher des bombardements de la population.

L'Italie, bien placée avec la France pour mettre en place cette interdiction, a dit qu'elle serait «sans aucun doute utile» et «éviterait les bombardements (...) dans les zones soustraites au contrôle du régime».

Le Premier ministre français François Fillon a estimé qu'une telle stratégie nécessiterait «une décision du conseil de sécurité des Nations unies», et l'implication de l'Otan.

Des dépôts de munitions dans des zones sous le contrôle de la rébellion dans l'est de la Libye ont été visés lundi par des raids aériens des forces du dirigeant Mouammar Kadhafi, selon des sources concordantes à Benghazi, la deuxième ville du pays, à 1 000 km à l'est de Tripoli.

Face à la pression croissante de la communauté internationale pour un départ du dirigeant libyen, M. Kadhafi, au pouvoir depuis plus de 40 ans, est resté inflexible, fustigeant les sanctions de l'ONU et assurant que la Libye était «complètement calme».

Un Conseil national indépendant

L'Occident se prépare à aider les opposants, qui ont créé un «Conseil national indépendant» chargé de représenter «les villes libérées».

Cet organe sera «le visage de la Libye pendant la période de transition», a déclaré son porte-parole Abdelhafez Ghoqa, alors que l'UE a indiqué être est en train «d'établir des contacts» avec les autorités de transition libyennes.

«Nous comptons sur l'armée pour libérer Tripoli», a ajouté M. Ghoqa.

En dehors de l'Est, l'opposition revendique le contrôle de plusieurs villes autour de la capitale et dans l'Ouest.

«Nous nous plaçons sous l'autorité du gouvernement intérimaire de Benghazi», a indiqué un dignitaire membre du comité révolutionnaire qui gère désormais Nalout, à 230 km à l'ouest de Tripoli, précisant que d'autres villes de la région sont «aux mains du peuple».

«Nous préparons les forces pour marcher sur Tripoli et libérer la capitale du joug de Kadhafi», a ajouté ce dignitaire, Chaban Abou Sitta.

À Zawiyah, à 60 km à l'ouest de la capitale, les manifestants anti-Kadhafi semblent contrôler la ville, mais les forces qui lui sont loyales en contrôlent l'accès et les alentours, selon des témoins.

Les villes stratégiques de Misrata, à l'est, et Gherien, au sud, semblent aussi sous contrôle de l'opposition.

A Tripoli, des postes de contrôle ont été mis en place dans et autour de la capitale par les militants pro-Kadhafi et le pain et l'essence y étaient rationnés, selon un habitant.

La chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, a réclamé lundi que soient préparées «des mesures supplémentaires pour que le gouvernement Kadhafi rende des comptes, pour fournir une aide humanitaire et pour soutenir le peuple libyen dans sa quête d'une transition vers la démocratie».

La France va envoyer deux avions à Benghazi pour apporter de l'aide humanitaire, alors que le Programme alimentaire mondial a annoncé l'expédition de 80 tonnes de biscuits énergétiques.

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, mène un examen préliminaire sur les violences en Libye, préalable à une éventuelle enquête pour crimes contre l'humanité.

Le chef de l'ONU Ban Ki-moon a parlé d'un bilan des violence d'un millier de morts.

Près de 100 000 personnes, majoritairement des travailleurs égyptiens et tunisiens, ont déjà quitté le pays via les frontières.

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) doit commencer lundi à évacuer des milliers de réfugiés bloqués dans les pays voisins après avoir fui la Libye.

Sur les marchés, les cours du pétrole évoluaient en légère hausse lundi, sur un marché instable suspendu à l'insurrection en Libye et aux tensions grandissantes au Moyen-Orient.

Le gouvernement saoudien, premier exportateur de pétrole mondial, s'est dit prêt à assurer la stabilité du marché après la baisse de production en Libye.