Le régime libyen de Mouammar Kadhafi a changé radicalement de ton hier pour tenter d'échapper aux frappes militaires rendues possibles par l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. La communauté internationale a toutefois accueilli avec scepticisme cette volte-face.

Tripoli a décrété un cessez-le-feu immédiat et décidé de mettre fin à toutes les opérations militaires en cours contre les insurgés qui tentent depuis plusieurs semaines de le renverser, a annoncé le ministre des Affaires étrangères de la Libye, Moussa Koussa.

Le chef de la diplomatie a assuré que le régime était sensible à l'objectif de la résolution de protéger les civils, mais il a jugé déraisonnable qu'elle permette d'utiliser la force contre son pays. La veille, Kadhafi avait menacé de transformer en enfer la vie des puissances étrangères qui oseraient l'attaquer.

Hier soir, l'ambassadrice américaine à l'ONU, Susan Rice, a néanmoins accusé les forces loyalistes de violer le cessez-le-feu prévu dans la résolution du Conseil de sécurité.

Le président américain Barack Obama a de son côté menacé le dictateur libyen d'une opération militaire si les attaques contre les civils se poursuivaient.

Un sommet Union européenne-Union africaine-Ligue arabe est prévu aujourd'hui à Paris. Selon l'ambassadeur de France à l'ONU, Gérard Araud, qui était interrogé à la BBC, une intervention militaire internationale pourrait avoir lieu «dans les heures» suivant ce sommet.

«Un menteur»

Les opposants au régime, qui ne cessent de perdre du terrain depuis une semaine, ont indiqué hier que l'annonce du cessez-le-feu était un bluff visant à amadouer la communauté internationale et n'avait aucune importance.

«Le monde entier sait que Mouammar Kadhafi est un menteur. Ses fils, sa famille, lui-même et tous ceux qui sont avec lui sont des menteurs», a pour sa part souligné le commandant des insurgés, Khalifa Heftir.

Un porte-parole des rebelles a assuré que les forces gouvernementales ne respectaient pas le couvre-feu, dénonçant des «bombardements soutenus» sur Zenten et Misrata dans l'Ouest et sur Ajdabiya dans l'Est.

Dans la soirée, l'état-major des insurgés a appelé ses forces à se diriger vers la ville d'Al Magrun, située à une cinquantaine de kilomètres au sud de Benghazi, «pour bloquer les forces de Kadhafi», selon un communiqué lu à la radio des rebelles.

La chaîne Al-Jazira a aussi signalé que les combats se poursuivaient dans plusieurs villes.

La France et la Grande-Bretagne, qui appelaient de leurs voeux une intervention internationale pour faire cesser les exactions du régime, ont prévenu hier qu'elles ne se laisseraient pas berner par les manoeuvres diplomatiques du dictateur libyen.

«Nous le jugerons à ses actes et non à ses paroles, a dit David Cameron, premier ministre de la Grande-Bretagne. Le Conseil de sécurité a souligné qu'il devait cesser de brutaliser son peuple. S'il ne le fait pas, toutes les mesures nécessaires pour l'obliger à arrêter peuvent être utilisées.»

«Nous devons faire très attention. Kadhafi commence à avoir peur, mais, au sol, la menace n'a pas changé», a prévenu le porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la France, Bernard Valéro.

Diplomatie française

La France, qui a été profondément embarrassée sur le plan diplomatique lors des révolutions survenues en Tunisie et en Égypte, redouble d'énergie dans le dossier libyen. L'adoption de la résolution onusienne était d'ailleurs présentée hier comme une réussite importante pour sa diplomatie, même dans des publications traditionnellement très critiques du gouvernement.

Une dizaine de pays ont annoncé leur intention de déployer des ressources militaires pour soutenir la résolution de l'ONU, qui prévoit l'imposition d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye et toutes les mesures nécessaires, mis à part un déploiement terrestre, pour protéger les populations civiles menacées.

Le Wall Street Journal a par ailleurs révélé hier que l'Égypte fournit actuellement des armes aux insurgés libyens avec l'assentiment de l'administration américaine.

- Avec l'AFP