Le régime libyen de Mouammar Kadhafi a été mis à l'épreuve au cours du week-end. Des frappes aériennes ont été menées par une coalition internationale avec à sa tête la France, les États-Unis et la Grande-Bretagne. La Ligue arabe a critiqué ces frappes, en accusant les alliés d'avoir tué des civils.

La coalition internationale formée pour mettre un terme aux exactions perpétrées par les troupes de Mouammar Kadhafi contre la population civile de la Libye affirme avoir réussi à prendre le contrôle du ciel libyen grâce à une première vague de frappes musclées.

Au cours d'une entrevue à la chaîne NBC, le chef d'état-major des forces interarmées de l'armée américaine, Michael Mullen, a déclaré hier que les opérations militaires entamées samedi s'étaient «très bien déroulées».

«Kadhafi n'a pas eu d'avions ou d'hélicoptères dans les airs depuis quelques jours. La zone d'exclusion aérienne a donc effectivement été mise en place», a-t-il relevé.

De nouvelles frappes ont été lancées en soirée hier. Un bâtiment administratif situé dans le complexe résidentiel de Kadhafi à Tripoli a été détruit parce qu'il abritait un centre de «commandement et de contrôle» des forces libyennes. L'édifice était situé à une cinquantaine de mètres de la tente où le colonel recevait généralement ses invités de marque.

De fortes explosions avaient été auparavant entendues dans la soirée à Tripoli, dont l'une dans la zone de la résidence de Mouammar Kadhafi. Une colonne de fumée s'élevait du secteur de la résidence-caserne de Bab el-Aziziya, dans le sud de la capitale libyenne, alors que des tirs de batteries antiaériennes retentissaient. Un haut responsable du Pentagone a toutefois indiqué hier en conférence de presse que le colonel Kadhafi n'était pas personnellement visé par les frappes de la coalition.

Ces développements n'ont pas semblé infléchir la détermination de Kadhafi, qui a promis en matinée, lors d'une intervention prononcée d'une caserne fortifiée près de Tripoli, une «longue guerre» aux puissances «coloniales» attaquant le pays.

Hostilités

Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont lancé plus d'une centaine de missiles samedi en vue notamment de détruire les capacités antiaériennes du régime libyen.

Les tirs sont survenus peu de temps après que des chasseurs français eurent ouvert les hostilités en bombardant une colonne de véhicules de troupes de Kadhafi à proximité de Benghazi, dans l'est du pays.

La ville d'un million d'habitants, principal fief des insurgés, avait été attaquée samedi matin, au lendemain de l'annonce par le dirigeant libyen d'un cessez-le-feu unilatéral rapidement dénoncé comme un leurre par la coalition.

Le régime avait annoncé sa décision de cesser toute opération militaire en réaction à l'adoption par le Conseil de sécurité d'une résolution prévoyant l'imposition d'une zone d'exclusion aérienne sur le pays et le recours à «toute mesure nécessaire» pour protéger la population des troupes libyennes.

Bien que la résolution ne prévoie pas le renversement de Kadhafi, les pays membres de la coalition ne cachent pas leur volonté de voir partir le dictateur, à la tête de la Libye depuis 40 ans.

Frappes controversées

La portée des actions de la coalition commence d'ailleurs à causer la controverse. La Ligue arabe, qui avait appuyé l'idée d'une zone d'exclusion aérienne en Libye, a déclaré hier que les frappes militaires s'écartaient des objectifs définis par la résolution onusienne.

«Ce que nous voulons, c'est la protection des civils, pas le bombardement de plus de civils», a déclaré le chef de l'organisation, Amr Moussa, en écho aux affirmations de la télévision d'État libyenne. Elle a assuré hier que plus d'une soixantaine de civils avaient été tués par les frappes de la coalition.

La Russie, qui s'était abstenue lors du vote au Conseil de sécurité à l'instar de la Chine, a accusé la coalition d'utiliser la force de manière «non sélective» en frappant notamment des cibles civiles, dont un centre médical. Pékin a déploré pour sa part que les objectifs poursuivis par les frappes aillent «clairement au-delà» de celui de protéger la population.

La position de la Ligue arabe est particulièrement délicate pour la coalition, qui craint de voir son intervention présentée comme une initiative purement occidentale. L'administration américaine de Barack Obama, échaudée par les retombées de l'intervention unilatérale en Irak, est particulièrement sensible à la question.

La France, les États-Unis et la Grande-Bretagne - qui se sont occupés des frappes menées jusqu'à hier - ont assuré qu'ils respectaient «pleinement et uniquement» les dispositions de la résolution et organisaient «minutieusement» les frappes pour éviter toute perte civile.

Paris a par ailleurs assuré que le Qatar avait accepté de fournir des avions à la coalition, ce qui en ferait le premier pays arabe à franchir ce pas.

Bien que les frappes de la coalition aient galvanisé les insurgés et mis un terme à l'offensive contre Benghazi, elles n'ont pas empêché les troupes libyennes de frapper hier une autre ville, Misurata, 120 kilomètres à l'est de la capitale.

Le régime a annoncé en soirée un nouveau cessez-le-feu en écho à un appel de l'Union africaine, qui réclamait «la cessation immédiate des hostilités». Il a aussi annoncé une marche de «réconciliation» entre Tripoli et Benghazi.