Mouammar Kadhafi a affirmé qu'il ne renoncerait pas au pouvoir et appelé Paris et Washington à négocier une sortie de crise, alors que Tripoli a menacé d'attaquer tout navire entrant dans le port de Misrata assiégé depuis deux mois et invité les rebelles à se rendre.

L'OTAN «doit abandonner tout espoir d'un départ de Mouammar Kadhafi. Je n'ai pas de fonction officielle pour y renoncer. Je ne quitterai pas mon pays et je m'y battrai jusqu'à la mort», a déclaré le dirigeant libyen dans une allocution dans la nuit de vendredi à samedi. Selon la télévision d'État, elle était retransmise en direct.

Les rebelles libyens, les États-Unis et l'Union européenne réclament le départ du colonel Kadhafi, au pouvoir depuis 1969, mais celui-ci a répété que son peuple l'«aime», affirmant qu'il était pour eux «plus sacré que l'empereur du Japon ne l'était pour son peuple».

Il s'exprimait lors d'une cérémonie marquant le centenaire d'une bataille contre les forces d'occupation italiennes en Libye.

«Nous sommes prêts à négocier avec la France et les États-Unis mais sans condition», a encore dit le dirigeant libyen dans sa première apparition publique depuis le 9 avril. «Nous ne nous rendrons pas mais je vous appelle à négocier. Si vous voulez le pétrole, nous passerons des contrats avec vos compagnies, ce n'est pas la peine de mener une guerre».

La France et les États-Unis, avec la Grande-Bretagne, avaient mené les premières opérations militaires en Libye lancées le 19 mars en vertu d'une résolution de l'ONU. Le commandement des opérations est passé à l'Otan fin mars.

«Nous pouvons régler nos problèmes entre Libyens sans nous battre, retirez vos flottes et vos avions», a lancé le leader libyen à l'adresse de l'OTAN.

De son côté, son fils Seïf al-Islam, a affirmé lors d'une visite aux blessés dans un hôpital de Tripoli, «nous allons combattre l'Otan 40 ans, et nous ne nous rendrons pas».

«L'Histoire se répète, l'Italie revient avec ses alliés occidentaux bombarder la Libye et détruire comme elle a détruit Misrata, la plus importante ville industrielle et commerciale» du pays, a-t-il dénoncé à propos de la participation de l'Italie à l'intervention étrangère en Libye.

Sur le terrain, deux explosions ont été entendues à l'aube samedi dans le nord de Tripoli après des survols pendant plusieurs heures des avions de l'OTAN, a rapporté une correspondante de l'AFP.

À l'est de Tripoli, les combats se sont poursuivis jusqu'aux premières heures de samedi à Misrata reprenant vers 08h30 (02h30, heure de Montréal) de façon intense dans le secteur de l'aéroport, selon des journalistes de l'AFP.

De violents combats avaient eu lieu vendredi autour de l'aéroport, situé à deux kilomètres au sud-ouest de la troisième ville de Libye (200 km de la capitale) et avaient fait 18 morts et 83 blessés à 19h GMT (15h à Montréal), selon des sources médicales.

Samedi matin, de violentes explosions quasi continues et des tirs de mitrailleuses lourdes étaient audibles dans le secteur. Au moins quatre chars pro-Kadhafi qui avançaient vendredi sur la ville à partir de l'aéroport ont été détruits pendant la journée et dans la nuit par les forces rebelles, mais d'autres ont été signalés dans la zone, selon des sources rebelles.

Un porte-parole du gouvernement a fait savoir vendredi que le ministère de la Justice appelait «tous les groupes armés à Misrata à déposer les armes en échange d'une amnistie», précisant que l'offre tient jusqu'au 3 mai.

Il a également confirmé la menace de frapper les navires entrant dans le port, comme l'avait annoncé auparavant la télévision libyenne.

Tout bateau «tentant d'entrer au port (...) sera frappé avec force», a indiqué la télévision, affirmant que l'armée avait «mis hors service» le port, seule voie de ravitaillement, et que l'acheminement des aides devrait désormais se faire «par les voies terrestres» sous la supervision de l'armée.

Des navires de l'Otan ont neutralisé des mines posées par les forces loyalistes dans le port de Misrata, selon le général britannique Rob Weighill.

Dans un communiqué, l'OTAN «a prévenu les autorités portuaires de Misrata, qui ont temporairement fermé l'installation portuaire», entraînant l'annulation des déplacements de deux bateaux d'aide humanitaire.

«Les forces de l'OTAN sont maintenant activement lancées dans la neutralisation de la menace que représentent les mines, afin d'assurer que la circulation de l'aide continue», a déclaré l'amiral italien Rinaldo Veri, cité dans le communiqué.

Selon le Croissant-Rouge, les violences à Misrata ont fait environ 1500 morts, habitants et rebelles, en deux mois. Selon le procureur local, les pro-Kadhafi ont aussi enlevé plus de 500 habitants.

Plus à l'ouest, les insurgés tenaient toujours vendredi le poste-frontière tuniso-libyen de Dehiba, reconquis la veille.

Selon un correspondant de l'AFP, des habitants et des rebelles ont rapporté des frappes aériennes dans des zones où sont positionnées les troupes de Kadhafi.

Les forces de Kadhafi frappent l'oasis de Jalo



Les forces gouvernementales libyennes ont pris d'assaut samedi la localité oasis de Jalo, dans le désert à près de 300 km au sud du bastion rebelle de Benghazi, faisant une dizaine de morts, a annoncé la rébellion.

«Soixante-dix véhicules sont entrés dans Jalo, en venant du sud», a déclaré un rebelle. «Ils ont tué six civils, dont l'un achetait du pain à la boulangerie et les cinq autres étaient des employés», a-t-il dit à l'AFP au téléphone.

«Les rebelles ont opposé une forte résistance et quatre d'entre eux ont été tués», a déclaré un autre rebelle, Essa Sunus, après avoir roulé quatre heures pour apporter la nouvelle à Benghazi. Selon lui, des pro-Kadhafi aussi ont été tués, «mais ils ont emporté les corps, alors nous ne savons pas combien».

L'attaque a eu lieu dans la matinée contre la ville d'environ 20 000 habitants, puis les troupes du régime ont poursuivi leur route. «Il semble que Kadhafi soit en train d'ouvrir un autre front dans le sud», a expliqué un autre rebelle.

Mais selon M. Sunus, les troupes gouvernementales se sont en fait scindées en deux groupes pour aller se ravitailler et s'abriter dans deux installations pétrolières aux environs de Jalo, l'une au nord-est et l'autre au sud-ouest de la ville.

Les réseaux de téléphonie mobile étaient coupés à Jalo et il n'a pas été possible de contacter des responsables ou des médecins locaux pour confirmer les informations fournies par les rebelles.

«C'est une opération de propagande, Kadhafi veut montrer qu'il est partout», a estimé le Dr Mohamed al-Banoni, un médecin qui organisait l'envoi de secours à Jalo.

«Ce n'est pas bon signe», a estimé Jalal al-Gallal, un porte-parole du Conseil national de transition, organe représentatif de l'opposition basé à Benghazi, ajoutant: «Kadhafi a envoyé des forces dans le désert pour semer la peur, la mort et la destruction, mais il n'a pas suffisamment de troupes pour sauvegarder ses gains».

Selon les rebelles, les troupes entrées à Jalo étaient les mêmes que celles qui étaient intervenues jeudi à Al-Koufra, environ 300 km plus au sud.

Un porte-parole des rebelles avait alors affirmé que les forces loyales avaient pris le contrôle d'Al-Koufra et que les insurgés s'étaient retirés après «avoir peu résisté». Il n'y avait pas eu de victimes.