La tête de Mouammar Kadhafi a été mise à prix hier en Libye. Les rebelles offrent 1,7 million de dollars à quiconque leur permettra de mettre la main sur le tyran déchu. En attendant, ils continuent de lutter violemment contre les fidèles du régime pour prendre le contrôle de la capitale, Tripoli. Et de saccager le quartier général de Kadhafi, dont notre correspondant a pu visiter les ruines hier.

Faute de pouvoir s'en prendre à Mouammar Kadhafi lui-même, les rebelles ont saccagé hier avec une joie évidente une grande partie du quartier général de l'introuvable dictateur libyen.

Ils ont accordé une attention particulière à son ancienne résidence, qui avait été transformée en musée après que les États-Unis eurent tenté de le tuer par missile à la fin des années 80.

Une sculpture représentant une main dorée qui broie un F-16 américain, que le régime avait fait installer devant le bâtiment pour symboliser son mépris de l'Occident, est devenue le lieu de prédilection pour les photos-souvenirs.

À l'intérieur, des combattants s'en donnaient à coeur joie et détruisaient tout ce qui tenait encore debout, y compris les présentoirs vitrés dans lesquels avaient été placés les meubles de l'ancienne résidence, présentés comme des reliques.

«Regardez, regardez ce que je fais», a lancé un rebelle originaire de Benghazi en fracassant avec son pied la vitre qui protégeait le lit du dictateur.

Un jeune homme a sauté sur le lit pour écrire au mur à la peinture aérosol un message hostile sous les «Allah akbar» enthousiastes de ses amis.

Au premier étage, d'autres fouillaient dans les décombres, où traînaient plusieurs photos déchirées du dirigeant libyen. À l'entrée, des centaines de douilles étaient entassées non loin d'un jeu de baby-foot renversé.

Au balcon, des fêtards tiraient en l'air des salves de mitraillettes, dont le vacarme couvrait la clameur des affrontements qui se poursuivaient dans une autre partie du quartier général, un vaste complexe au coeur de la capitale.

«Il y a encore des kadhafistes qui se battent. Peut-être qu'aujourd'hui, si Dieu le veut, tout sera fini», a dit Abubaker, de retour du lieu des combats.

Le piètre état des lourdes portes métalliques qui protégeaient l'accès au musée, les traces de balle sur les murs et les vitres fracassées des guérites de surveillance témoignaient de la violence des affrontements de mardi.

Dans leur fuite, les soldats qui occupaient une maison près de l'entrée ont abandonné une veste militaire, une casquette, un manuel d'utilisation d'une mitraillette et des photos de famille.

«C'est tout ce qu'il reste d'eux», s'est félicité un jeune rebelle de Tripoli, Mahmoud Pyuok, appuyé à l'ombre d'un arbre.

Plusieurs civils étaient aussi venus visiter le quartier général et savourer le moment. C'était le cas notamment d'Abdel Monem, qui filmait la scène pour ne rien oublier.

Kadhafi, a-t-il dit, est certainement caché dans les dédales souterrains de son quartier général et se voit traqué par ses adversaires. «C'est comme Tom et Jerry», a relevé le père de famille.

Marwan, dans un anglais parfait, a assuré, en contemplant les ruines du «musée» kadhafiste, que la fin des combats dans la capitale n'était qu'une question de temps. Il a déclaré que les soldats qui continuent de défendre le régime sont «stupides» et pas assez informés pour comprendre que la bataille est perdue.

Bien que l'humeur générale soit à l'optimisme, certains combattants se montrent plus pondérés. «Ça ne se passe pas aussi simplement qu'on le voudrait. Kadhafi a été au pouvoir pendant 42 ans, alors il n'est pas si facile à déloger», a reconnu Mohammed Fared.

«La bataille est loin d'être finie», a-t-il conclu.