La Ligue arabe a accédé samedi à la demande des opposants au régime de Bachar al-Assad en suspendant la Syrie et en la menaçant de sanctions, un camouflet sévère pour Damas motivé par son refus d'appliquer comme promit le plan arabe de sortie de crise.

Dix-huit des 22 membres de la Ligue ont voté en faveur de la «suspension de l'adhésion de la Syrie à toutes ses réunions» à compter du 16 novembre et ce «jusqu'à l'application dans sa totalité du plan arabe de sortie de crise».

Cette décision a été annoncée par le chef de la diplomatie du Qatar, Hamad ben Jassem al-Thani, à l'issue d'une réunion ministérielle au siège de l'institution au Caire.

Avant la Syrie, la Libye, également touchée par la vague des révoltes du «Printemps arabe», avait été suspendue le 22 février des travaux de la Ligue.

La Ligue a en outre invité tous les courants de l'opposition à «se mettre d'accord sur un projet commun», a ajouté le responsable qatari devant la presse, précisant que la Ligue arabe souhaitait les rencontrer sous trois jours au Caire à ce sujet.

La Ligue prône également des «sanctions politiques et économiques» contre le pouvoir syrien s'il continue à ignorer le plan de règlement arabe, a précisé  M. Thani, sans donner plus de précisions sur ces mesures. Si Damas persiste à faire fi des avertissements arabes, la Ligue pourrait en outre faire appel aux Nations unies, a prévenu l'institution.

La suspension de la Syrie est «illégale et contraire au traité» de l'organisation panarabe, a aussitôt répliqué l'ambassadeur syrien auprès de la Ligue arabe, Youssef Ahmad.

C'est une décision qui «met fin à l'action arabe commune et prouve que l'administration (de la Ligue) suit un programme édicté par les Américains et les Occidentaux», a affirmé M. Ahmad, qui a assuré que Damas «mettait en oeuvre tous les points» du plan arabe de sortie de crise et allait continuer de le faire.

Damas avait dit accepter le 2 novembre un plan arabe prévoyant la fin des violences, la libération des détenus, le retrait de l'armée des villes et la libre circulation des médias, avant l'ouverture d'un dialogue national.

Les mesures votées samedi, auxquelles trois pays - la Syrie, le Liban et le Yémen - se sont opposés, invitent également les États membres à retirer leurs ambassadeurs à Damas.

Dans un communiqué, le Conseil national syrien, qui regroupe la majorité de l'opposition syrienne, s'est félicité de ces décisions, les qualifiant de «pas dans la bonne direction», alors que les militants pro-démocratie avaient appelé vendredi les Syriens à défiler pour réclamer «le gel de l'adhésion de la Syrie à la Ligue arabe».

Les Occidentaux, Union européenne et États unis en tête, ont réagi en saluant l'isolement «croissant» de la Syrie.

Le président américain Barack Obama a «applaudi» une «étape importante».

Le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé a appelé la communauté internationale «à entendre le message qui lui est adressé par les États arabes et à agir (...) dans toutes les instances internationales appropriées», faisant allusion au Conseil de sécurité de l'ONU.

En Syrie, des manifestants pro-régime ont mis à sac samedi l'ambassade d'Arabie saoudite à Damas, et d'autres sont montés sur le toit de l'ambassade du Qatar, en signe de protestation contre la décision de la Ligue arabe.

La répression de la révolte populaire, qui a fait selon l'ONU plus de 3500 morts depuis la mi-mars, n'a pas faibli, faisant notamment plus de 120 morts en dix jours dans la seule région de Homs, un des foyers de la contestation dans le centre du pays.

Samedi, six civils et neuf agents de sécurité ont été tués dans le cadre d'opérations de répression et d'affrontements entre soldats et déserteurs à travers le pays, a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Le régime, qui ne reconnaît pas l'ampleur de la contestation, affirme lutter contre des «gangs terroristes» qu'il accuse de chercher à semer le chaos en Syrie.