Les forces de l'ordre syriennes ont perpétré des crimes contre l'humanité lors de la répression brutale des manifestants contre le régime en place, selon le rapport de la commission d'enquête internationale sur les violations commises en Syrie, publié lundi à Genève.

Les preuves réunies par cette commission d'enquête montrent que ce sont les forces de l'ordre syriennes qui ont commis des crimes contre l'humanité, tels que des meurtres, des viols, des actes de torture, en réprimant de manière brutale les manifestations d'opposition au régime, qui ont commencé en mars dernier.

La commission a interrogé 223 victimes et témoins de ces actes de brutalités parmi lesquels des déserteurs ou des personnes ayant vu des enfants torturés à mort.

«La commission croit que les ordres de tirs et de mauvais traitements contre les civils émanent de directives prises au plus haut niveau par les forces armées et le gouvernement», indique le rapport.

Au cours d'une conférence de presse lundi à Genève, le président de la commission, le Brésilien Paulo Pinheiro a déclaré que des «membres de l'armée syrienne et des forces de l'ordre ont commis des crimes contre l'humanité dans leur répression d'une population en grande majorité civile, alors qu'elle manifestait pacifiquement».

«Ces crimes incluent le meurtre, la torture, le viol et l'emprisonnement», a-t-il dit.

«La commission est aussi arrivée à la conclusion que ces violations à grande échelle et systématiques n'ont pu se faire sans le consentement des autorités de l'État au plus haut niveau», a-t-il ajouté.

Des déserteurs ont déclaré à la commission avoir eu l'ordre de tirer sur des manifestants désarmés, sans aucune sommation.

Ils ont raconté avoir mené, avec des miliciens, des opérations conjointes pour «tirer pour tuer», notamment à Al Ladhiqiyah en avril dernier.

«Les manifestants lançaient des appels à la liberté, ils portaient des branches d'olivier et marchaient avec leurs enfants», a raconté un témoin cité dans le rapport. «Nous avions l'ordre de les disperser ou de les éliminer, y compris les enfants, nous avons ouvert le feu», a déclaré un déserteur.

La commission a aussi entendu des témoignages sur des snipers tirant sur la foule et sur ceux qui tentaient de secourir les blessés.

Des meurtres et des cas de tortures ont aussi eu lieu à l'hôpital militaire de Homs, commis par des forces de sécurité déguisées en médecins.

Le rapport, qui compte 40 pages, raconte le cas d'un jeune détenu de 14 ans, Thamir Al Sharee, de la ville de Sayda, mort sous la torture.

Un homme de 40 ans a aussi raconté avoir été le témoin du viol d'un garçon de 11 ans par trois officiers des services de sécurité.

La commission a indiqué que la Syrie avait violé entre autres les droits à la vie, à la réunion pacifique et à la liberté de mouvement, et a lancé un appel au gouvernement de Damas pour l'arrêt immédiat de toutes ces violences et à la mise en place d'une commission d'enquête indépendante.

Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a mis en place cette commission d'enquête en août dernier suite à la répression des manifestations en Syrie, qui à ce jour a fait plus de 3500 morts.

Les trois membres de la commission sont Sergio Pinheiro (Brésil, expert en droits de l'homme), Yakin Ertürk (Turquie, une spécialiste de la violence faite aux femmes) et Karen Abou Zayd (États-Unis, une spécialiste des questions humanitaires et des réfugiés).

Ce rapport doit être examiné très prochainement par une session extraordinaire du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, a-t-on indiqué de source diplomatique européenne.