La Ligue arabe a imploré mardi les Nations Unies de sortir de leur inaction face à «la machine à tuer» du régime syrien, mais Damas et son allié russe ne semblaient pas prêts à céder à la pression mise par les pays occidentaux au Conseil de sécurité.

Les 15 pays membres du Conseil, dont plusieurs représentés par leur ministre des Affaires étrangères, ont entendu le représentant de la Ligue arabe leur demander de mettre fin à la «tragédie humanitaire» qui a fait au moins 5000 morts depuis mars dernier, en adoptant un projet de résolution.

«Nous ne demandons pas une intervention militaire (...) nous ne sommes pas en faveur d'un changement de régime mais nous prônons des pressions économiques», a plaidé le Premier ministre du Qatar cheikh Hamad ben Jassem Al Thani, qui préside le Comité de la Ligue arabe sur la Syrie.

«Le gouvernement syrien n'a fait aucun effort sincère pour coopérer. L'effusion de sang a continué et la machine à tuer est toujours à l'oeuvre», a-t-il ajouté.

Le projet de résolution reprend les grandes lignes d'un plan proposé par la Ligue arabe, mais aucun vote n'était prévu mardi, selon des diplomates. Sa dernière version donne quelques gages à la Russie, soulignant la nécessité de résoudre la crise «de manière pacifique» et précisant condamner «toute violence, d'où quelle vienne», ajouts jugés pour l'instant insuffisants par Moscou.

L'ambassadeur de Syrie à l'ONU, Bachar Jaafari, a rejeté ce projet, assurant que Damas ferait «fermement face à ses ennemis». Il a accusé les puissances occidentales et la Ligue arabe de «fomenter la crise».

Son allié russe a estimé que l'ONU n'avait pas à se mêler des affaires de la Syrie, malgré les appels lancés par les chefs de la diplomatie des Etats-Unis, de France et du Royaume-Uni.

L'ambassadeur russe à l'ONU Vitali Tchourkine a cependant dit que la dernière mouture du projet de résolution contenait «certains éléments (...) qui donnent l'espoir» d'un compromis.

Selon des diplomates américains, la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a tenté en vain avant la réunion de joindre au téléphone son homologue Sergueï Lavrov, en voyage en Australie.

Encore 22 morts mardi

Au sortir de la réunion, le chef de la diplomatie française Alain Juppé a  estimé qu'il restait «une chance» de parvenir à un compromis avec Moscou «dans les prochains jours», en particulier sur le sort du président Bachar al-Assad, un des points d'achoppement.

Son homologue britannique William Hague a évoqué «des discussions avec la Russie et les autres pays dans les prochaines 24 heures pour voir si nous pouvons progresser».

Les trois ministres se sont efforcés de répondre aux objections de la Russie et de la Chine, qui voient dans le dossier syrien le risque d'une répétition de l'affaire libyenne et répugnent à demander le départ du pouvoir du président Assad.

«Certains membres du Conseil s'inquiètent du risque d'une autre Libye, c'est une mauvaise comparaison», a plaidé Mme Clinton.

«La Syrie n'est pas la Libye», a affirmé M. Juppé. «Rien, absolument rien, dans le projet de résolution (...) ne peut être interprété comme une autorisation de recours à la force. Nous n'avons nulle intention d'imposer de l'extérieur un quelconque régime politique», a-t-il souligné.

Depuis une semaine, au moins 400 personnes ont péri. Mardi, les violences ont fait au moins 22 morts, essentiellement dans des opérations menées par les forces du régime, tandis que des combats entre armée et dissidents faisaient rages dans les provinces d'Idleb, Homs et Damas, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

«La force de feu mise en oeuvre est la plus violente depuis le début de la révolution syrienne» en mars 2011, a commenté Rami Abdel Rahmane, président de l'OSDH, basé au Royaume-Uni.

M. Assad a rendu visite mardi à des soldats blessés dont il a loué le courage pour défendre le pays contre les «bandes terroristes armées», selon l'agence officielle Sana. Et les autorités ont assuré avoir porté depuis trois jours «des coups durs» aux «groupes terroristes armés».

Mais le chef de l'Armée syrienne libre (ASL), le colonel Riad al-Assaad, a affirmé que «50% du territoire» n'était plus sous le contrôle du régime, tout en précisant que ses forces n'avaient pas pour autant les moyens de prendre la main dans ces zones.