Le régime syrien a intensifié vendredi ses opérations militaires contre les villes rebelles malgré sa promesse de faire réussir la dernière mission de paix, suscitant l'impatience de l'émissaire international Kofi Annan qui a demandé un cessez-le-feu «immédiat».

À travers le pays, des milliers de Syriens manifestaient pour exprimer leur déception après le sommet arabe de jeudi qui s'est contenté d'appeler régime et opposition au dialogue, et pour dénoncer l'inaction des pays de la région qu'ils accusent de les avoir «lâchés».

Entrée dans sa deuxième année, la révolte populaire se militarise et vendredi des heurts entre soldats des forces régulières et dissidents passés à l'opposition ont eu lieu dans plusieurs villes du pays ainsi qu'à Jobar, un quartier de l'est de Damas, après que la police eut tenté de disperser une manifestation, fait rare dans la capitale.

Les affrontements ont pris de l'ampleur et gagné la capitale, les rebelles disant vouloir défendre leurs villes et les civils, face à l'impuissance de la communauté internationale à faire cesser la répression.

De son côté, Washington a annoncé des sanctions contre le ministre de la Défense et deux hauts gradés, après avoir estimé que l'armée n'avait rien fait pour se conformer au plan de sortie de crise de M. Annan qui prévoit le retrait des chars des villes, la fourniture d'aide humanitaire et la libération des détenus.

De fait, la répression et les attaques de villes rebelles ne donnent aucun signe de détente, avec 28 nouveaux morts vendredi, en majorité des civils.

L'armée a bombardé plusieurs quartiers de Homs (centre), où elle tente d'écraser les poches de résistance, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), qui a recensé près de 10 000 morts, en majorité des civils, depuis le début de la contestation populaire le 15 mars 2011.

Et six militaires et cinq civils ont été grièvement blessés dans l'explosion d'une bombe à Alep (nord), deuxième ville du pays.

Le président Bachar al-Assad a en effet posé comme condition à la réussite du plan Annan l'arrêt des violences commises selon lui par des «terroristes», soutenus par des pays de la région, allusion au Qatar et à l'Arabie saoudite, accusés par Damas de financer et d'armer l'opposition.

M. Assad doit appliquer le plan «maintenant», a rétorqué vendredi le porte-parole de M. Annan, émissaire conjoint de l'ONU et de la Ligue arabe.

«Nous attendons de lui que le plan soit exécuté immédiatement. À l'évidence, nous n'avons pas constaté de cessation des hostilités sur le terrain. C'est notre grande préoccupation», a-t-il dit.

À Washington, les responsables n'ont pas caché leurs doutes concernant les intentions du régime.

«Nous n'avons encore absolument rien vu sur le terrain qui prouve que (la Syrie) répond aux appels demandant à ce que l'artillerie et les armes lourdes soient remisées dans les casernes et qu'un cessez-le-feu soit mis en place pour permettre à l'aide humanitaire d'être acheminée», a dit le département d'État.

En dépit de ces appels internationaux et face à la poursuite de la répression, les Syriens ont dénoncé lors des manifestations hebdomadaires ce vendredi l'inaction et le «lâchage» des Arabes, au lendemain d'un sommet à Bagdad.

«Arabes, cessez de nous ignorer, le peuple syrien veut vivre en paix», «Le lâchage des Arabes et le silence des musulmans sont les choses les plus difficiles auxquelles font face les Syriens», était-il écrit sur les pancartes brandies dans plusieurs provinces du pays.

«Les musulmans et les Arabes nous ont lâchés (...) mais Dieu est avec nous (...) et notre détermination nous apportera la victoire», lit-on sur la page The Syrian Revolution 2011 qui a appelé à manifester.

Le sommet arabe de Bagdad a évité jeudi d'appeler M. Assad au départ et d'apporter son soutien à l'armement des rebelles, comme le réclament l'Arabie saoudite et le Qatar, qui ont finalement boudé la rencontre en n'y envoyant que des responsables de second rang.

En vue de la réunion des «Amis de la Syrie» le 1er avril à Istanbul, la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a d'ailleurs rencontré à Riyad le roi Abdallah et son homologue saoudien Saoud Al-Fayçal pour évoquer les efforts internationaux visant à mettre fin aux violences.

De son côté, Hassan Nasrallah, le chef du mouvement chiite libanais Hezbollah, allié de Damas, a estimé que «l'idée de faire tomber le régime par la force militaire est dépassée», jugeant que «miser sur une intervention militaire pour faire tomber le régime signifie davantage d'effusion de sang».

Dans le même temps, des centaines de Syriens se sont réunis vendredi dans le centre de Damas à l'occasion de la «Journée de la terre», scandant également des slogans de soutien au président syrien contesté Bachar al-Assad, a constaté une journaliste de l'AFP.