Deux Casques bleus. Pour le moment, c'est à ce minuscule contingent que se limite la Mission de supervision des Nations unies en Syrie. Mais pas pour très longtemps. Samedi dernier, le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé l'envoi de 300 observateurs militaires non armés qui devront lui faire rapport sur la mise en oeuvre d'un fragile cessez-le-feu. La mission a-t-elle la moindre chance de réussite dans ce pays balayé par la violence depuis plus d'un an? Nous avons posé la question à trois experts.

UNE RECETTE ÉPROUVÉE

Jocelyn Coulon

Directeur, Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix

Même s'ils portent les emblématiques casques bleus des missions de paix des Nations unies, les observateurs qui sont déployés en Syrie sont en fait des «bérets bleus», en quelque sorte les ancêtres des Casques bleus, note Jocelyn Coulon. Ce sont des militaires, certes, mais ils ne sont pas armés. «Leur travail n'est pas de séparer les parties. Ils peuvent aller partout et doivent observer la mise en oeuvre du plan [de paix préparé par] Kofi Annan. Ils doivent faire preuve d'impartialité et rapporter ce qu'ils voient», explique M. Coulon. Trop peu, trop tard? M. Coulon n'est pas de cet avis. «On n'est qu'au début d'un processus. Les missions d'observation se transforment souvent en missions de paix», dit l'expert qui vient tout juste de publier le Dictionnaire mondial des opérations de paix. «En général, le taux de réussite des missions de paix est élevé», constate-t-il.

UN PAS IMPORTANT



Louise Fréchette

Ex-vice-secrétaire générale des Nations unies et chercheuse émérite au Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale

«Cette mission est un pas important dans l'application du plan Annan. Elle est là pour établir les faits», affirme l'ex-diplomate canadienne Louise Fréchette, qui a été le bras droit de M. Annan, actuel émissaire des Nations unies en Syrie, lorsque ce dernier était secrétaire général de l'organisation internationale. «Par leur présence, les observateurs agiront aussi comme un frein aux hostilités», soutient-elle, en notant qu'il est trop tôt pour juger de l'efficacité de cette approche. Contrairement à la délégation de la Ligue arabe, les observateurs militaires déployés ont l'appui de tout le Conseil de sécurité. Selon Mme Fréchette, en donnant le feu vert à la mission, la Chine et la Russie changent de ton à l'égard de leur allié syrien et ouvrent la porte à d'autres interventions. «La réalité est que, pour le moment, il n'y a pas de plan de rechange», estime l'experte des relations internationales.

UNE MAUVAISE BLAGUE



Houchang Hassan-Yari

Professeur au département de sciences politiques du Collège militaire royal du Canada

Houchang Hassan-Yari n'a pas de mots tendres pour la mission des Casques bleus. «La mission de Kofi Annan et ce qui en découle sont une blague», juge-t-il. Le politologue rappelle que la Ligue arabe a déployé une centaine d'observateurs il y a quelques mois. Cette mission s'est soldée par un échec retentissant. Les forces du président Bachar al-Assad ont poursuivi leurs opérations militaires dans les villes et les forces d'opposition ont continué leur rébellion. «Même 10 000 ou 15 000 Casques bleus n'arriveront à rien», tonne le politologue, qui rappelle que les observateurs sont en Syrie avec l'aval du gouvernement. Il accuse la Russie et la Chine, qui freinent des résolutions plus musclées au Conseil de sécurité, de mener un bras de fer contre l'Occident, au détriment «du peuple syrien qui paie très cher le prix». Hier notamment, des violences ont été signalées malgré la présence des Casques bleus.