Après la dictature, les islamistes? Les premiers résultats des élections tunisiennes, ceux des expatriés, ont confirmé la montée en force du parti religieux Ennahdha. Au grand dam de nombreux jeunes qui étaient montés au créneau il y a 10 mois pour faire tomber le président Ben Ali. Notre envoyé spécial explique.

Les islamistes ont trouvé un écho retentissant chez les Tunisiens de l'étranger, raflant exactement la moitié des 18 sièges qui leur étaient réservés.

Au Canada, qui fait partie d'une circonscription englobant 25 autres pays, le résultat est dans la même lignée. Les islamistes d'Ennahdha n'ont pas obtenu la majorité absolue, mais ont raflé un des deux sièges, l'autre allant à un parti centriste laïque, le Congrès pour la république.

Les résultats à l'étranger ont aussitôt trouvé écho dans les rues de la capitale, Tunis, où les klaxons ont retenti nombreux en début de soirée. Il s'agit de la seule forme de manifestation tolérée dans le pays, où l'état d'urgence a été décrété il y a 10 mois.

La grogne était cependant palpable chez beaucoup de jeunes interrogés, où dominait l'impression de s'être fait voler la révolution qui a conduit au départ du président Ben Ali, le 14 janvier dernier.

«Qu'ils viennent vivre ici, maintenant, tous ces Tunisiens qui ont appuyé Ennahdha à l'étranger», laisse tomber Anissa, entourée de caméras, avenue Habib-Bourguiba. Devant le Palais des congrès où l'annonce des résultats a été faite vers 14h, heure de Montréal, une dizaine de jeunes se déclarant indépendants ont interpellé les médias. «Nous dénonçons les infractions sur lesquelles les instances électorales ferment les yeux, a déclaré l'un d'eux. Nous ne nous tairons pas sur ces infractions, pour éviter qu'elles se reproduisent.» Bien qu'aucune allégation n'ait été confirmée par l'Instance supérieure indépendante des élections (ISIE), Ennahdha a été accusé d'avoir notamment acheté des votes d'électeurs.

Il s'agit de résultats «partiels» qui n'ont pas été confirmés par procès-verbal, a précisé en point de presse le porte-parole de l'ISIE, Ridha Torkhani. Ennahdha a notamment obtenu 35% des voix dans la circonscription «Amériques et reste de l'Europe», 45% dans les «pays arabes et autres» et un sommet de 49,8% dans la circonscription «sud de la France». Le Congrès pour la république arrive deuxième avec quatre sièges. L'autre force importante est le parti de gauche Ettakatol, avec trois sièges. Le Parti démocrate progressiste, de centre gauche et donné deuxième dans la plupart des sondages, se retrouve les mains vides.

Respect du statut des femmes

Avant même l'annonce officielle des résultats à l'étranger, un haut responsable d'Ennhadha avait assuré, hier, que son parti obtiendrait «de 60 à 65 sièges dans l'assemblée constituante». Il avait correctement évalué qu'il récolterait 9 des 18 sièges à l'étranger. En soirée, le parti a en outre réitéré son engagement à ne pas toucher au statut de la femme, le plus évolué du monde arabe, et à respecter les droits des minorités.

L'influence électorale des 1,1 million de Tunisiens de l'étranger, avec 18 sièges sur 217, est mineure, mais les résultats confirment la domination annoncée par les sondages des islamistes. L'ISIE a annoncé des résultats partiels dès hier soir pour les élections qui se sont tenues dimanche en Tunisie.

Deux élus pour les Canado-Tunisiens

Firdaous Oueslati, d'Ennadha, et Mabrouka M'Barek, du Congrès pour la République, représenteront les Tunisiens du Canada au sein de l'assemblée constituante, qui aura la tâche de jeter les bases de la nouvelle Tunisie. Mme Oueslati est née à Amsterdam, aux Pays-Bas, tandis que Mme M'Barek est née à Strasbourg, en France, et s'est installée au Vermont.

Aucun parti n'a obtenu la majorité des 29 180 voix exprimées dans cette vaste circonscription, qui s'étend du Canada à la Russie et englobe la plupart des pays européens. Comme le veut la méthode de scrutin choisie, les sièges vont alors aux deux partis en tête. Ennahdha a obtenu 10 218 voix, soit 35% des votes exprimés, tandis que le CPR a terminé avec 5411 voix, soit 18,5% des votes exprimés.

Le porte-parole du CPR au Canada, Ali Guidara, a salué cette «grande victoire de la Tunisie» et a invité les «forces vives» du pays à travailler «main dans la main» pour la création de la Constitution. Ce sera la tâche principale de l'assemblée constituante de 217 élus issus des élections de dimanche. «Maintenant, tout commence», estime-t-il.

Il n'a pas été possible de joindre le porte-parole canadien d'Ennahdha.