Les combats ont fait rage vendredi à Abidjan entre les forces du chef d'État ivoirien sortant Laurent Gbagbo, qui s'accroche désespérément au pouvoir, et celles de son rival Alassane Ouattara alors qu'au «moins 800» personnes ont été tuées dans des violences intercommunautaires mardi dans l'ouest, selon le CICR.

Les États-Unis ont appelé vendredi soir la force française Licorne et celle de l'ONU (ONUCI) à agir pour «protéger les civils et empêcher tout pillage». À Abidjan, la criminalité explosait à la faveur du vide sécuritaire.

Alors que le camp Gbagbo affirmait avoir repoussé l'offensive des forces d'Alassane Ouattara, reconnu président par la communauté internationale, les tirs avaient baissé d'intensité dans l'après-midi et en soirée.

Les appels à quitter le pouvoir lancés à M. Gabgbo se sont multipliés, de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) au secrétaire général de l'ONU, à la France, aux États-Unis et à l'Union européenne. Mais un porte-parole de Laurent Gbagbo a répété que ce dernier n'«abdiquerait pas».

Au Plateau, quartier du palais présidentiel, les rafales de kalachnikov et les tirs d'arme lourde s'étaient succédé à un rythme soutenu, dont certains d'une très forte intensité faisaient trembler les murs des immeubles, ont constaté des journalistes de l'AFP. Les rues étaient désertes, les habitants restaient terrés chez eux.

Même intensité des combats dans le quartier chic de Cocody, dans un large périmètre proche de la résidence présidentielle et de la télévision d'État RTI et près du camp militaire d'Agban, dans le quartier voisin d'Adjamé.

Alors que la ville avait été livrée à la violence et aux pillages, entre 800 et 900 ressortissants français et d'autres nationalités ont été accueillis depuis jeudi soir sur le camp de Port-Bouët de Licorne à Abidjan, a indiqué le porte-parole de la force Licorne à Abidjan, le commandant Frédéric Daguillon.

«Il y a environ 400 Français mais aussi des Libanais, des Italiens, des Espagnols. Mais une évacuation n'est pas à l'ordre du jour, il s'agit d'une mise à l'abri», a-t-il ajouté.

La France déconseille «formellement» les voyages en Côte d'Ivoire, et a porté l'effectif de Licorne à environ 1100 soldats.

Une Suédoise employée de l'ONU a été tuée par balle jeudi soir à Abidjan, selon le ministère suédois des Affaires étrangères.

À Yamoussoukro, capitale politique, un professeur français a été tué par balles dans son hôtel dans la nuit de jeudi à vendredi, sans que l'on sache si sa mort était liée aux combats dans le pays, ont indiqué des sources françaises.

Lundi, les Forces républicaines, qui contrôlaient le nord du pays depuis 2002, ont lancé une foudroyante offensive vers le sud, pour mettre un terme à la crise née du scrutin présidentiel contesté du 28 novembre ayant fait, selon l'ONU, près de 500 morts, essentiellement des civils.

Au soir du cinquième jour de l'offensive, le porte-parole du gouvernement de M. Gbagbo, Ahoua Don Mello, a affirmé que son camp avait repoussé l'offensive des «rebelles» et repris la télévision d'État RTI, tombée la veille. Le signal de la chaîne avait repris vendredi.

Mais Laurent Gbagbo, au pouvoir depuis 2000, gardait le silence, et l'incertitude demeurait sur sa localisation et ses intentions.

Dans le même temps, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) citant des informations recueillies sur place annonçait depuis Genève qu'«au moins 800 personnes» avaient été tuées mardi 29 mars lors de violences intercommunautaires à Duékoué, dans l'ouest de la Côte d'Ivoire.

«Il n'y a pas de doute qu'il s'est passé dans cette ville quelque chose d'ampleur sur quoi le CICR continue de récolter des informations», selon le CICR, précisant que les délégués de la Croix-Rouge avaient «eux-mêmes vu un très grand nombre de corps».

«Cet événement est particulièrement choquant par son ampleur et sa brutalité», s'est alarmé la chef de la délégation du CICR en Côte d'Ivoire, Dominique Liengme, citée dans le communiqué.

La crise née du scrutin présidentiel contesté du 28 novembre a fait près de 500 morts, selon l'ONU.